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La gigue du pendu

La gigue du pendu

Titel: La gigue du pendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ann Featherstone
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matin, j’ai constaté qu’il avait fortement gelé pendant la nuit, dehors – les plantes du jardin de Mrs Twentyfold étaient poudrées de givre –, comme dedans – sur les vitres, une bonne épaisseur de glace. Il faisait un froid de loup dans ma chambre, alors j’ai allumé un feu (ce que je ne fais jamais avant le soir, par principe), puis je me suis enroulé dans mon manteau et mon cache-col jusqu’à ce que je sois réchauffé. L’odeur rance de la maladie imprégnait l’atmosphère humide, les vitres se sont mises à dégeler, dégoulinant sur le plancher, tandis que mes deux compagnons me fixaient d’un regard triste. Cela ne pouvait durer ! Un quart d’heure plus tard, j’étais dehors, sur les marches de l’entrée.
    Nous avons évité le terrain vague, l’Aquarium et tous ces endroits familiers – la gargote où nous dînions, l’établissement de Garraway, et même le Pavilion – pour nous faufiler par des places et des ruelles en direction de notre retraite campagnarde. Ce serait une simple visite, songeais-je. Mais si Titus Strong insistait pour que je reste l’aider à cultiver ses choux et à livrer Lord Bedford, alors, c’était un si vieil ami, si fidèle, que je ne pourrais refuser. J’espérais qu’il me demanderait de rester.
    Nous avons bien marché, malgré mes blessures, et je me suis même délecté de l’irritation familière de l’air âpre et cinglant au fond de ma gorge. Brutus et Néron trottaient devant moi, heureux d’aller inspecter les poteaux et murs habituels, mais quand je m’arrêtais pour reposer mon corps meurtri, ils patientaient, attendant que je sois prêt à poursuivre. Je me sentais plus vaillant, et j’étais sûr que les choses allaient prendre une autre tournure désormais. Et puis, à un coin de rue, j’ai été frappé de trouver mon nom inscrit sur un mur en majuscules à l’encre noire, hautes de cinq centimètres, qui me criaient taïaut, taïaut. J’avais l’impression d’avoir vu Pilgrim dans le hall de l’Aquarium des lustres auparavant, qui me mettait sous les yeux une semblable affichette, car c’était la même, sans le moindre doute : le Royal Crown Theatre, aussi connu sous le nom de théâtre et galerie Tipney sur Fish Lane, celui-là même qui jouxtait la librairie de mon ami Pilgrim. Il annonçait un programme royal comportant d’incroyables célébrités. Le nom de Mr Macready apparaissait en caractères presque aussi gros que le mien, et des drames comme Othello, Richelieu et Le Meunier et ses chiens étaient présentés avec un culot identique. Aucun de ceux qui lisaient ces placards n’était dupe. Tout le monde savait qu’il s’agissait d’imposteurs : Mr Macready (si jamais il en avait connaissance) « recommandait » simplement le Royal Crown Theatre, quant à Othello , il serait expédié en vingt minutes ! En réalité, la troupe ne comptait qu’une poignée de saltimbanques : Mrs Dearlove, Mr Crowe, Mr Tafflyn, Mr Corney Sage et Miss Lucy Fitch, Les Trois Acrobatiques 1 , Señor Spaniardo, et l’Enfant Prodige, Petite Louisa Penny, sept ans, qui dansait et chantait – sans oublier, bien sûr, Mr Bob Chapman et ses excellents chiens, Brutus et Néron. La rue avait été tapissée de ces affiches très fines, qui faisaient leur effet, attirant l’attention en particulier de hordes de garçons.
    Sur le pas de sa porte, mon ami Pilgrim surveillait avec anxiété ses voisins. La rénovation du local semblait achevée, et toute la devanture, jusqu’aux gouttières, était couverte de placards éclatants annonçant non seulement le Royal Crown Theatre et Bob Chapman mais aussi une galerie de tableaux de cire et autres nouveautés, pour laquelle l’artiste avait exercé son pinceau en usant d’une grande quantité de peinture rouge. En particulier à propos des statues de cire, présentées avec soin : chaque affiche montrait un homme écartelé, un fou au rictus diabolique tenant un couperet sanglant ou une corde !
    La boutique était complètement transformée. À la place de la vitrine principale, il y avait un mur de brique, et une seconde entrée (ou sortie) avait été percée face à la porte d’origine. J’avais bien souvent vu ce genre d’endroits. C’est ce que les rabatteurs appellent une galerie « va-et-vient », et c’est précisément ce qui arrive : on laisse les gens entrer par une porte et ressortir par l’autre en douceur, sans anicroche. L’endroit comportait un

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