La grande déesse
négatives et celles des forces positives. Ce monisme se retrouve dans la doctrine de Pélage, au IV e siècle, ce théologien breton qui affirmait contre saint Augustin la pleine disposition du libre arbitre absolu. Cette tendance est manifeste dans la façon dont le christianisme a été vécu par les Irlandais (et par les Celtes d’une façon générale) : la confiance aveugle en la volonté humaine d’assurer son salut ne pouvait conduire qu’au dépassement total de l’individu et à la négation de tout principe d’un Mal absolu. Dans ces conditions, l’image de la Grande Déesse ne pouvait être que « blanche » ou « noire », le regard tourné vers le haut ou vers le bas. Ainsi surgit dans l’inconscient collectif irlandais, pourtant marqué par une lutte permanente contre un protestantisme déviationniste et une adhésion sans faille à l’orthodoxie catholique, l’image d’une Theotokos bien différente de celle qui est vénérée sur le continent européen. La Vierge des Irlandais n’est pas forcément la Vierge des Bretons armoricains, encore que les caractéristiques de l’une et de l’autre soient souvent les mêmes. Et la tradition populaire irlandaise ne se fait point faute de véhiculer une sorte de fantôme féminin auquel on a donné le nom de Bannshee , littéralement « femme du Shee », ce Shee étant l’anglicisation du terme gaélique Sidh qui signifie « paix » mais qui désigne l’autre monde, celui qui se trouve dans l’univers mystérieux des tertres mégalithiques. La Bannshee , c’est donc en quelque sorte l’image folklorique de l’antique Déesse : ceux qui la rencontrent peuvent la redouter, car elle annonce souvent des malheurs, mais ils peuvent également l’invoquer, car elle a la toute-puissance des divinités féminines d’autrefois. Elle ne cesse de rôder dans les campagnes irlandaises, surtout la nuit. Est-ce donc Notre-Dame-de-la-Nuit, celle qui a été rejetée dans l’ombre par une société patriarcale, mais qui continue à hanter les rêves des humains en perpétuelle quête de leur Mère ?
Il existe un témoignage essentiel de cette vision spécifique de la Vierge des Vierges en Irlande. Il se trouve dans la cathédrale – anglicane – de Kilkenny, siège de l’ancien évêché d’Ossory (nom qui signifie « royaume des cerfs », ce qui est typiquement celtique), mais à l’écart, remisé dans un coin du sanctuaire, puisqu’il s’agit d’une plaque gravée datant du XII e siècle, qui appartenait au bâtiment ancien et qui a été déplacé au cours de la restauration du XIX e siècle. Il s’agit de la représentation d’une Trinité tout à fait spéciale : généralement, celle-ci est composée de Dieu le Père tenant entre ses genoux la Croix sur laquelle est cloué le Fils, et sa tête est surmontée de la colombe symbolisant l’Esprit-Saint. Ici, en cette cathédrale Saint-Canice, c’est la déesse mère qui remplace le Dieu père, et sur sa droite, un oiseau ressemble bien davantage à celui qui se trouve sur le célèbre Chaudron de Gundestrup (l’un de ces oiseaux de la déesse Rhiannon qui endort les vivants et réveille les morts) qu’à la colombe habituelle. S’il y a quelque chose à voir en Irlande, c’est bien ce modeste bas-relief relégué parmi quelques curiosités archéologiques de second ordre. Il permet pourtant de comprendre que la Vénus de Lespugue et Notre-Dame de Lourdes sont les deux faces d’une même Déesse des Commencements.
Poul Fetan, 1996.
Index des sites, des musées,
des sanctuaires et des pèlerinages
AALEN. Non loin de Stuggart. Le Limesmuseum est un musée en plein air contenant de très nombreux vestiges de l’époque romaine sur les frontières (le limes ) de l’empire, notamment des statues de divinités féminines.
AARHUS. Ville du nord du Danemark dont le musée conserve le célèbre Chaudron de Gundestrup .
AGRIGENTE. Sicile. Trois sanctuaires dédiés à Déméter.
AIX-EN-PROVENCE. Bouches-du-Rhône. Dans la cathédrale Saint-Sauveur, célèbre tableau connu sous le titre Le Buisson ardent . Le musée Granet conserve de nombreuses sculptures celto-ligures provenant du site d’Entremont.
AKROTIRI. Île de Théra, mer Égée. Nombreuses fresques minoennes représentant la Déesse aux Serpents.
AMIENS. Cathédrale à la gloire de la Vierge Marie.
ANGLES-SUR-L’ANGLIN. Vienne. Grotte renfermant des peintures rupestres
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