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La grande déesse

La grande déesse

Titel: La grande déesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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et ses multiples fonctions, allant même jusqu’à susciter les fantasmes les plus extravagants, tel celui qui fait du nom de la ville de Paris une déformation d’un très problématique bar Isis , c’est-à-dire une « barque d’Isis ». On voit que, dans l’imaginaire collectif, cette image de la déesse mère universelle fait partie intégrante de l’inconscient humain.
     

Le Proche-Orient
    C’est incontestablement au Proche-Orient que la Déesse des Commencements possède ses lieux les plus sacrés, et peut-être ses lieux les plus secrets. Car il ne suffit pas d’affirmer la prééminence de certains sites majeurs, comme Éphèse, pour placer dans cette région du monde l’origine de tous les cultes en l’honneur de la Déesse. Si cette région est marquée par la présence matérielle de sanctuaires qui lui sont dédiés, c’est sans doute parce que c’est là que s’est produite, aux environs du VIII e  millénaire avant notre ère, la mutation essentielle des sociétés humaines, passant du paléolithique au néolithique.
    Les débuts de l’agriculture ont été marqués par une véritable révolution dans les mœurs, et si la sédentarisation a très vite provoqué l’urbanisation, elle a également conduit à une nouvelle vision de la femme, celle-ci devenant le pivot essentiel de la vie familiale, voire tribale. Autrefois simple procréatrice accompagnant l’homme dans ses expéditions, la femme se retrouvait désormais gardienne du foyer et répartitrice des biens de la communauté, d’où une nouvelle formulation du rôle de la Déesse, quel que fût le nom que les différents peuples du Proche-Orient lui donnaient. Ceci explique l’importance des cultes féminins dans cette région.
    C’est aussi en fonction de ce changement fondamental de la vision de la femme divine que se justifient la migration d’Abraham et la naissance du peuple hébreu. En effet, si l’on en croit la Bible – et il n’y a aucune raison de ne pas la croire –, Abraham quitta Ur, en Chaldée, pour respecter ses engagements vis-à-vis d’un Dieu père dont le culte était menacé par d’autres liturgies en faveur d’une déesse mère. Abraham représente donc un courant conservateur qui n’accepte pas les nouvelles donnes : il persiste dans son nomadisme et refuse l’agriculture avec tout ce que celle-ci apporte de mutations. Et il maintient dans son errance à travers le désert le culte du Dieu père, unique protecteur de la tribu. En fait, il ne fait que répéter le drame d’Abel et de Caïn, le premier symbolisant l’état pastoral, le second l’état agricole et artisanal, mais au lieu de s’exposer au meurtre, il préfère prendre les devants et s’enfuir. On sait qu’au cours de son histoire tourmentée, le peuple hébreu, en contact permanent et souvent conflictuel avec les peuples voisins, sera maintes fois écartelé entre la fidélité au Dieu père et la tentation des cultes de la déesse mère.
    Cependant, parallèlement à cette attitude conservatrice, on pourra observer une volonté réformatrice chez un autre peuple, qui n’est pas sémite comme les Hébreux mais indo-européen, celui des Iraniens. Il semble en effet que ces derniers aient pratiqué dans les premiers temps des cultes analogues à ceux de l’Inde et de l’Asie centrale sous dominante scythique, donc indo-européenne. La réforme de Zoroastre, en établissant une théologie dualiste (l’univers est un perpétuel conflit entre Ahura-Mazda, la Lumière, et Arhiman, les Ténèbres), a fait disparaître toutes les images qu’on donnait à la Déesse des Commencements, celle qui était nommée Anahit ou Anahita. Mais celle-ci ne sera pas perdue pour autant puisqu’on la retrouvera plus tard en Grèce sous le nom d’Anaïtis, en Europe centrale sous une appellation celtique qui a donné le nom du Danube, dans les îles Britanniques sous les noms d’Anna, de Dana et de Dôn, et même chez les Phéniciens sémites sous l’appellation de Tanit, la grande déesse de Carthage. Quant à Arvi, autre nom de la déesse indo-iranienne, elle réapparaîtra chez les Grecs sous les traits de la mystérieuse Artémis, probablement par l’intermédiaire de la non moins mystérieuse « Diane scythique », de toute évidence une divinité solaire féminine.
    Mais c’est surtout au sein des innombrables tribus sémitiques du Proche-Orient devenues sédentaires que l’image de la Déesse des Commencements allait

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