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La grande déesse

La grande déesse

Titel: La grande déesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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et vietnamien. En Chine, dès le paléolithique, on a représenté la Déesse des Commencements avec des caractères sexuels exagérés, comme en Europe, d’où une abondance de statuettes en pierre, puis en céramique, qu’on peut qualifier de stéatopyges : l’accent est incontestablement mis sur la fécondité, mais on ne trouve guère de traces d’un véritable culte de la femme divine. Il est vrai que les diverses civilisations qui se sont succédé à travers l’Extrême-Orient ont toujours manifesté des tendances androcratiques. La femme, en tant que telle, était considérée avant tout comme une reproductrice, et son importance, dans les époques plus récentes, s’est souvent limitée à celle d’un « bel objet d’art ». Ce n’est assurément pas là qu’il faut chercher les principaux sanctuaires du culte de la Grande Déesse, et le bouddhisme n’a guère contribué à l’exaltation de la femme. C’est seulement en Indonésie et aux Philippines qu’on peut observer, dans les traditions locales, certaines réminiscences d’une époque non pas matriarcale, du moins plus gynécocratique.
     

Les Amériques
    On pourrait être tenté de dire la même chose à propos des civilisations amérindiennes, mais leur diversité est telle qu’il faut s’abstenir de toute généralité. Certes, il ne semble pas que chez les Aztèques et les Incas, la femme ait eu un statut social élevé, ni qu’elle ait été considérée comme un être divin : ces civilisations sont incontestablement patriarcales, mais elles sont relativement récentes et ne touchent qu’une infime partie de cet immense continent. Là encore, la complexité est telle qu’elle ne permet pas de mesurer avec exactitude l’état d’esprit des populations qui ont été ensuite intégrées tant bien que mal dans le cadre inca ou aztèque, pour ne pas parler du cadre toltèque ou maya.
    Pendant longtemps, on a cru que l’Amérique n’avait été peuplée que tardivement, mais aucune preuve réelle ne vient étayer cette assertion. Sans aller plus avant dans cette discussion, on peut affirmer aujourd’hui que le peuplement du continent américain s’est fait par un territoire englouti actuellement, sous le détroit de Béring, et que ce peuplement, datant de 60 000 à 30 000 ans avant notre ère, était d’origine asiatique. Dans ces conditions, il faut bien admettre qu’au paléolithique supérieur et au néolithique, les croyances et les coutumes des Amérindiens étaient, sinon identiques, du moins très parallèles à celles des Asiatiques. Mais tout dépend des régions, et l’archéologie américaine, qui n’en est qu’à ses débuts, nous renseigne très mal sur les différentes strates culturelles qui se sont succédé au cours des âges.
    Pour prendre un exemple, on a dénombré jusqu’à ce jour plus de dix mille sites archéologiques au Mexique, mais seulement un millier d’entre eux ont été sondés et une centaine fouillés avec soin. C’est très peu. Cependant, cela nous permet d’affirmer l’existence d’un culte très ancien en l’honneur d’une déesse mère. Ainsi, on a découvert à Tlapacoya des statuettes féminines qui sont du milieu du II e  millénaire avant notre ère et qui sont incontestablement des divinités de la fécondité. Dans une carrière, près de Mexico, appelée Tlatilco, nom aztèque signifiant « caché », on a découvert d’innombrables figurines féminines, pour la plupart nues ou court vêtues, auxquelles les archéologues ont donné le nom de « belles dames ». Elles se présentent sous des accoutrements bizarres, avec des cheveux teints, des visages et des membres peints avec beaucoup de raffinement, et des cous ornés de riches colliers. Et l’hypothèse la plus plausible concernant ces « belles dames » est qu’elles étaient les accompagnatrices des défunts inhumés dans les tombes où elles se trouvaient. Il s’agit donc de représentations de la déesse funéraire, telle qu’on la voit encore dans les cairns d’Europe occidentale.
    Si les représentations sont rares ou limitées, il n’y a pas lieu de douter des cultes féminins qui ont précédé les grandes civilisations devenues classiques. On en retrouve des traces dans les traditions précolombiennes proprement dites. Ainsi, selon la légende aztèque du Soleil, les premiers habitants du Mexique seraient nés d’une grotte profonde et auraient été allaités par l’esprit de la

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