La Guerre Des Amoureuses
domestique pour demander qu’on
lui prépare sa jument, puis elle se changea. Quand elle fut prête, elle s’assit
à sa table et écrivit quelques lignes pour sa mère adoptive, expliquant qu’elle
se rendait aux tuileries rencontrer M. Hauteville, le jeune homme qui l’avait
aidée à Paris à reprendre les quittances de M. Salvancy. Elle regagnerait
la ville avec lui.
Elle ouvrit ensuite un coffre et en tira une
dague effilée dans un étui en cuir d’où pendaient des lanières. C’était un
cadeau de Caudebec, le fidèle capitaine de son père avec qui elle s’entraînait
à l’épée. Elle laça le fourreau le long de sa cuisse gauche. Elle pouvait ainsi
saisir la dague rapidement de la main droite en soulevant sa robe. Elle prit
son manteau et sortit.
Puyferrat l’accompagna à l’écurie et ils
partirent sans échanger une parole. Alors qu’elle aurait dû être pleine d’allégresse
à l’idée de retrouver Olivier, elle était pourtant mal à l’aise, ressentant une
sorte de contraction dans la poitrine qu’elle essaya vainement de chasser.
Le chemin serpentait le long du Tarn, longeant
de sombres bois de chêne. Il était désert et elle ne songea pas à se retourner.
Si elle l’avait fait, elle aurait peut-être remarqué les deux cavaliers
derrière eux.
Devant les tuileries, un gros coche attendait.
Cela l’étonna et, n’apercevant pas Olivier, elle flaira le piège et arrêta son
cheval.
— Avancez, mademoiselle, menaça Puyferrat
d’une tout autre voix que celle qu’il avait eue jusqu’alors.
Elle se tourna vers lui. Il tenait un pistolet
à rouet. Elle tenta de faire faire demi-tour à son cheval, mais montée sur une
haquenée, elle ne pouvait la mettre au galop. Elle découvrit aussi que le
chemin était barré par deux cavaliers et que, devant elle, une troupe
approchait. Elle avait été piégée.
— Descendez, mademoiselle, et allez jusqu’au
coche. Nous ne vous voulons pas de mal, vous nous êtes bien trop précieuse.
Elle obéit, s’efforçant de se rassurer avec la
dague qu’elle sentait contre sa cuisse.
Au coche, un des hommes d’armes la rejoignit
et lui ouvrit la portière. Elle monta. À l’intérieur, il y avait deux dames qu’elle
ne connaissait pas.
— Asseyez-vous, mademoiselle, fit
poliment celle qui était le plus richement habillée. Nous allons faire un long
voyage.
Déjà le coche se mettait en route.
— Qui êtes-vous ? demanda Cassandre
en tombant sur la banquette.
— Catherine de Montpensier. Je suis la
sœur de monseigneur le Duc de Guise.
Durant plusieurs heures, Cassandre n’ouvrit
pas la bouche. À travers sa robe, elle sentait le contact rassurant de la lame
contre sa jambe. La voiture roulait et ne s’arrêtait brièvement que pour un
changement de chevaux. L’intérieur était glacial. Les rideaux de cuir étaient
tirés mais parfois elle les soulevait pour regarder l’escorte qui les entourait.
À ces moments-là, la duchesse l’observait d’un air moqueur. À l’un des relais, un
homme monta et leur remit un gros pain, des flacons de vin et des verres ainsi
que de la viande froide dans une terrine. La femme qui était avec Mme de Montpensier
les servit.
— Où allons-nous ? demanda enfin
Cassandre.
— Je me demandais quand vous alliez
parler, persifla la duchesse. Nous nous rendons à Saint-Maixent. Votre père
nous rejoindra, on a dû lui porter une lettre que je lui avais préparée.
— Qu’y a-t-il à Saint-Maixent ?
— Le roi de Navarre.
Cassandre ne demanda rien d’autre. Elle avait
compris qu’elle serait un otage, et qu’on allait demander quelque chose d’infamant
à son père.
Elle devait s’évader.
Après plusieurs heures de route et de cahots
sur des chemins boueux défoncés d’ornières, la voiture roula sur des pavés. Cassandre
tira le rideau de cuir qui les protégeait du froid et regarda à la fenêtre. Il
faisait déjà sombre mais elle vit qu’ils se trouvaient dans la cour d’un
château.
— Où sommes-nous ?
— Nul besoin que vous le sachiez. Vous
dînerez avec nous, puis vous serez enfermée dans une chambre. Ne tentez rien. Ce
château est fermé la nuit. Une servante s’occupera de vous et je vous ferai
porter du linge pour la nuit. Il est à ma taille, mais il devrait vous aller.
C’est à table, dans la grande salle, qu’elle
découvrit Maurevert, le spadassin venu deux fois chez Olivier. Son père lui
avait dit qui il était.
Elle
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