La Guerre Des Amoureuses
détachement de
son armée. Elle a prévu d’aller ensuite à Montauban et, par ruse et trahison, d’enlever
la fille de M. de Mornay. Elle aura ainsi un moyen de pression sur
votre cousin, monseigneur de Navarre.
Le duc haïssait sa belle-mère. Qu’elle
envisage de s’attaquer ainsi, par félonie, à un Bourbon, qui plus est le
prochain roi, le hérissait.
— Rien ne doit arriver à mon cousin, monsieur
le Prévôt, lâcha-t-il, les traits durs.
Poulain tomba à genoux.
— Sur ma vie, monseigneur, vous avez ma
parole.
— Je dirai à la reine que c’est moi qui
vous ai envoyé en mission. Avez-vous besoin d’autre chose ?
— Un laissez-passer me serait utile, monseigneur.
— Vous l’aurez, vous partez seul ?
— Non, monseigneur, avec deux amis.
— Accompagnez-moi !
Il se rendit dans sa chambre, au premier étage.
En chemin, il demanda à un valet d’y envoyer son secrétaire.
Dans la chambre, le duc se dirigea vers un
petit cabinet marqueté, ouvrit une porte avec une clef attachée à son cou et en
sortit un sac de cuir.
— Voici cent écus pour vos frais.
On frappa. C’était le secrétaire.
— Pierre, remplissez un laissez-passer au
nom de M. Poulain, prévôt de l’hôtel de la reine. Comment se nomment vos
amis, monsieur le Prévôt ?
— Olivier Hauteville et Lorenzino
Venetianelli.
Le secrétaire remplit le document et le tendit
au duc qui le parapha, puis y apposa son cachet. Le serviteur ayant fait
chauffer la cire sur un petit fourneau.
À l’écurie, Olivier et Lorenzino attendaient
depuis un moment quand Poulain arriva avec un palefrenier qui menait deux
chevaux supplémentaires. Le prévôt était casqué d’une bourguignotte et à sa
taille pendait une lourde épée dalmate, une shiavone, qu’Olivier ne lui
avait jamais vue. Il avait ses lourdes bottes ferrées et des gantelets de
maille sur ses gants de cuir. Sous son manteau, il portait son corselet d’acier
avec gorgerin. Un mousquet était attaché à sa selle.
— Il m’a fallu un peu plus de temps que
prévu, s’excusa-t-il. J’apporte un peu d’équipement, ajouta-t-il en désignant l’un
des chevaux que le valet avait laissés.
Il examina ses compagnons d’un œil critique.
— J’ai déjà une épée et un pistolet, dit
Olivier.
— Et moi, j’ai une jaque de maille, fit
Lorenzino, ainsi qu’une dague. Je n’ai pas pris mon épée en bois, sourit-il, mais
j’ai le mousquet avec lequel j’ai tiré sur Mme Sardini.
Il l’avait posé à ses pieds.
Poulain détacha l’équipement porté par l’un de
ses chevaux.
— Olivier, prends cette barbute et enfile
ce bufletin cousu sur un corselet de fer. Voici une autre épée, plus solide. Et
vous, Lorenzino, mettez ce plastron d’acier et coiffez ce bassinet. Il est un
peu cabossé mais il vous protégera aussi bien qu’un neuf. Prenez aussi cette
épée. J’ai aussi pour vous des arquebuses courtes.
— Comment as-tu eu tout cet équipement ?
s’étonna Olivier.
— Je l’ai acheté, ainsi que du fourrage
et des provisions avec les cent écus que m’a remis le Duc de Montpensier. Monsieur
Venetianelli, vous monterez l’un de ces chevaux. L’autre est pour les bagages.
Tandis qu’ils prenaient la Grande-Rue en
direction de la porte Poitevine dont on apercevait les mâchicoulis et les
échauguettes, une vague de sentiments contradictoires envahissait Olivier ;
un mélange d’excitation et d’angoisse. Sans savoir pourquoi, il lui revint la
phrase avec laquelle Cassandre concluait ses lettres :
Mon
cœur, si jamais vous m’avez fait cet honneur de m’aimer,
Il faut que vous me le montriez à cette
heure.
Il allait le montrer !
16.
Le roi de Navarre appréciait M. de Mornay
plus que tous les autres gentilshommes de son conseil. Il connaissait son
talent, sa perspicacité et surtout son dévouement désintéressé. C’est pour ces
raisons qu’il se l’était étroitement attaché et qu’il lui avait remis la
conduite de sa maison. Il l’avait aussi nommé gouverneur de Montauban, l’une
des principales places fortes octroyées aux protestants avec La Rochelle.
M. de Mornay s’y était installé avec quelques gentilshommes de ses
amis et une compagnie de deux cents arquebusiers. Il avait fortifié la ville et
établi de nouveaux fronts bastionnés de l’autre côté du Tarn, dans le faubourg
de Ville-Bourbon, occupé par les protestants chassés de Toulouse en 1562.
Quand Mornay était
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