La Guerre Des Amoureuses
s’approcha de lui et le salua en se
forçant à sourire :
— Monsieur Maurevert ! Quelle
surprise de vous trouver ici ! Vous n’assassinez plus ? Maintenant
vous ravissez les femmes ?
Elle le vit blêmir.
— Taisez-vous ! gronda-t-il.
— On ne vous connaît pas sous ce nom ?
ironisa-t-elle.
Ses adversaires avaient commis leur première
erreur, jugea-t-elle.
— Si vous répétez ce nom, mademoiselle, je
m’occuperai de vous. Cette nuit.
Elle lui tourna le dos pour ne pas montrer sa
peur.
Le maître du château n’était pas avec eux, ni
aucun serviteur. Deux des gardes faisaient le service avec la domestique
présente dans le coche. Elle ne pouvait donc se plaindre d’avoir été enlevée ou
demander justice. Au demeurant, qui l’aurait écoutée ?
Outre la duchesse, il y avait autour de la
table Maurevert, le gentilhomme qui lui avait fait croire être l’ami d’Olivier,
un autre qu’ils appelaient le capitaine Cabasset, ainsi que des officiers et
des gentilshommes dont elle ne retint pas le nom.
Le repas fut copieux. Quand il fut terminé, on
la conduisit dans une chambre. Il y avait un feu et une jeune femme l’attendait.
Cassandre lui dit qu’elle n’avait pas besoin d’elle, mais la servante lui
répondit qu’elles étaient enfermées. Elle-même dormirait sur une paillasse sur
le sol. Cassandre utilisa la chaise percée et se lava sommairement avec une
bassine et l’aiguière d’eau. Des régiments de poux couraient dans le lit malgré
le froid. Elle se coucha habillée, ne voulant laisser voir qu’elle avait une
arme contre la jambe. Elle ignora donc le sac de vêtements de nuit qu’on lui
avait laissé.
On vint la chercher avant l’aube. Le feu était
éteint. Elle eut droit à un bol de soupe dans la cuisine, puis la duchesse la
rejoignit, élégante et coiffée. Avec un regard méprisant, elle considéra sa
prisonnière, hirsute dans ses vêtements fripés.
— Il y a une courte messe à la chapelle, proposa-t-elle.
Cassandre secoua négativement la tête.
— Vous resterez donc enfermée dans le
coche. Les gardes vous surveilleront.
Ils repartirent une heure plus tard. Cassandre
en avait profité pour écraser quelques-uns des poux qui l’avaient adoptée.
Il plut toute la journée et la voiture avança
très lentement. Ils dormirent dans un monastère. Cette fois elle eut une
cellule glaciale sans domestique, et un lit de planches sans même une paillasse.
Les journées s’écoulèrent, toutes identiques. Ils
furent à Villefranche le dimanche, et y entendirent la messe avant de repartir.
Cassandre refusa de nouveau d’aller à l’office et resta encore dans la voiture,
surveillée par deux soldats. Elle se sentait de plus en plus sale, dévorée
continuellement par la vermine. La nourriture était maintenant toujours
mauvaise, souvent insuffisante. Plusieurs fois, il n’y eut qu’un repas de
bouillie d’avoine. Le temps restait glacial. La neige succéda à la pluie jusqu’au
moment où le coche tomba dans une ornière.
On la fit descendre. Pour la première fois, elle
découvrit la troupe d’hommes d’armes au complet. Ils étaient plus de cinquante,
tous équipés en guerre. Le chemin traversait une forêt aux sous-bois éclaircis.
La pluie avait cessé mais le vent du nord était fort. Elle frissonna dans son
manteau, aussi fit-elle quelques pas en passant de pierre en pierre pour se
réchauffer. On la laissa faire. De toute façon, elle n’aurait pu fuir. Une
vingtaine d’hommes essayaient de soulever le lourd coche dont la roue droite
était enfoncée jusqu’à l’essieu.
C’est alors qu’elle reconnut Rouffignac. Il
avait ôté sa barbute pour aider les autres. Ce n’était certainement pas un ami,
mais au moins quelqu’un qu’elle connaissait. Après tout, elle lui avait laissé
la vie quand, avec sa famille – une bande de brigands –, il s’était attaqué à
elle, à Caudebec et aux Suisses de Sardini. Hans et Rudolf voulaient le pendre
après qu’ils eussent décimé la bande et qu’elle-même eut tué son frère. Pourtant,
elle s’y était opposée tant il était jeune. Il avait alors promis de payer une
rançon, un jour.
Le voir ici était presque rassurant. Tandis qu’elle
s’approchait, il la vit et lui sourit. Elle en fut bouleversée, car ce n’était
pas un sourire impudique comme celui des autres soldats. Il y avait de la
complicité, presque de l’amitié dans son expression.
Comment devait-elle
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