La Guerre Des Amoureuses
l’issue de laquelle les archers s’enfuirent.
Apprenant cette incroyable rébellion, M. Séguier,
le lieutenant civil, envoya à Saint-Séverin des sergents et des commissaires, mais
comme beaucoup étaient à la Ligue, ils se joignirent aux mutins. Les forces du
roi furent finalement contraintes de se retirer piteusement.
Ce grave événement, après le premier échec de
Rapin, apportait une nouvelle preuve de l’impuissance du roi devant la Ligue. Il
y eut conseil au Louvre où le duc d’Épernon supplia Henri III de ne céder
en rien à l’émeute et d’envoyer des gardes françaises régler l’insurrection
dans le sang. Le marquis d’O, une nouvelle fois d’accord avec son ennemi, approuva.
Si le roi avait suivi ce conseil, il aurait aisément arrêté Bussy Le Clerc qui
n’avait pas tant d’hommes prêts à se faire tuer. Le capitaine de la Ligue et
ses complices auraient été pris et pendus le jour même. Mais M. de Villequier,
appuyé par de M. de Villeroy qui penchait aussi pour la Ligue, fit
croire au roi que le peuple de Paris l’aimait et n’attenterait jamais quelque
chose contre lui.
Henri III refusa finalement l’épreuve de
force qui aurait fait couler trop de sang.
Le lendemain, Paris fut en fête. Le roi n’avait
plus d’autorité, la Ligue était maîtresse de la ville. Cette journée de
rébellion de septembre fut appelée l’heureuse journée de Saint-Séverin et Le Clerc avait désormais de réels soupçons sur ceux à qui il avait parlé du
notaire ligueur.
Quelques jours plus tard, le roi quitta sa
capitale pour rejoindre son armée sur la Loire et laissa M. de Villequier,
la reine mère et la reine sa femme pour gouverner en son absence. Épernon
partit de son côté pour la Provence. En Lorraine venait d’entrer une formidable
armée de vingt mille suisses et de dix mille reîtres. Sous la conduite de M. de Châtillon,
le fils de l’amiral de Coligny, quelques milliers de huguenots français, venant
du Languedoc et du Dauphiné, la rejoignaient.
La Ligue, toute-puissante
à Paris, envisagea alors de se saisir de la personne du roi. Les ligueurs
parisiens envoyèrent le commissaire Louchart à Estampes, où était logé le duc
de Guise, pour lui demander son accord sur l’entreprise. Une fois de plus, Poulain
fut prévenu par Le Clerc. Seulement, comme ni M. de Richelieu ni le
marquis d’O n’étaient là, le lieutenant du prévôt d’Île-de-France ne bougea pas,
n’envisageant pas de se découvrir auprès de Villequier ou de la reine mère.
Les ligueurs se rassemblèrent à l’hostellerie
de la Rose-Rouge, rue Troussevache, où logeait le duc d’Aumale, cousin de Guise.
C’est là qu’ils reçurent l’ordre de ne rien tenter. Une fois de plus, Guise
faisait preuve de pusillanimité en se justifiant par la présence de l’armée
royale trop proche de la ville.
Mais le roi n’ayant pas été prévenu, les
soupçons de Le Clerc envers Nicolas Poulain se dissipèrent.
L’armée de Navarre
et celle de Joyeuse se dirigeaient aussi vite qu’elles le pouvaient vers la
Guyenne.
Navarre voulait arriver le premier en Gascogne
où il avait de bonnes places fortes pour arrêter ses ennemis. À l’inverse, Joyeuse
voulait lui barrer le passage et l’écraser sur un champ de bataille, certain de
sa victoire sur cette bande de brigands hérétiques, juste capables d’embuscades
et de coups de main.
Les deux armées arrivèrent presque ensemble au
seul point où se trouvait un gué permettant de passer en Gascogne : le
village de Coutras.
Dans la nouvelle
armée de Navarre, Olivier avait été affecté à l’artillerie commandée par le
baron de Rosny et son premier capitaine, M. de Clermont d’Amboise. Il
avait en charge une des trois couleuvrines.
La nuit du dimanche 18 octobre, il méditait
devant un feu rougeoyant, enroulé dans une couverture. Ses camarades
sommeillaient, couchés aux pieds des chariots portant les canons et les boulets.
L’armée s’étendait sur une lieue. Certains logeaient chez l’habitant, mais la
plupart des soldats, des officiers et des gentilshommes dormaient à la belle
étoile. Demain, ils seraient à Coutras. Si tout se passait bien, ils passeraient
la rivière et, une fois de plus, Navarre aurait déjoué le piège qu’on lui avait
tendu, sans perte pour ses soldats.
— Vous rêvez, monsieur Hauteville ?
C’était le baron de Rosny.
Il s’assit sur une pierre à côté d’Olivier. La
première
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