La Guerre Des Amoureuses
Épernon
partit en Provence avec d’importantes troupes pour empêcher les protestants du Dauphiné
de faire la jonction avec ces mercenaires.
Une troisième armée fut enfin réunie, et
celle-là, Henri III en prit le commandement. C’était un plan du marquis d’O :
pendant que Joyeuse contiendrait Navarre, et que Guise serait occupé à défendre
la Lorraine contre les reîtres, le roi ramènerait l’ordre à Paris où il n’avait
plus d’autorité et où les projets d’insurrection se multipliaient.
C’était sans compter sur le caractère impulsif
et prétentieux du jeune duc de Joyeuse. De surcroît, malmené à la Cour et raillé
pour les défaites de son armée, l’archimignon avait absolument besoin d’une
victoire. À la tête de troupes fraîches et bien équipées, comprenant la fleur
de la noblesse française, il décida de n’en faire qu’à sa tête et piqua droit
vers la Guyenne. Son objectif était de gagner le Béarn en faisant sa jonction
avec les troupes du maréchal de Matignon et de réussir là où Mayenne avait
échoué : occuper toute la Gascogne et interdire à Navarre cette région. Il
savait que le Béarnais essaierait de l’arrêter. Il y aurait bataille, et il ne
doutait pas que les protestants seraient écrasés.
Or, Henri de Navarre attendait le renfort des
reîtres pour gagner Paris et imposer sa loi au roi de France. Lorsqu’il apprit
que le duc de Joyeuse descendait en Guyenne, et que Henri III regroupait
une autre armée sur la Loire, il changea ses plans. Comme Joyeuse l’avait prévu,
il ne pouvait accepter d’être pris à revers dans le Sud, aussi demanda-t-il au
prince de Condé, au comte de Soissons, à MM. de Turenne et de la
Rochefoucauld, de lui amener tous leurs gens de guerre. Mais même en réunissant
toutes ces forces, il s’en fallait de beaucoup que son armée égalât celle du
duc de Joyeuse.
Protégés par la
Sainte Union et par la duchesse de Montpensier, rien n’arrêtait plus les prédicateurs
parisiens qui devenaient chaque jour plus hardis et insolents, vomissant les
pires injures contre Henri III. Avant de rejoindre son armée, le roi
décida de sévir en ordonnant au lieutenant criminel d’arrêter les curés les
plus virulents, ceux de Saint-Germain-l’Auxerrois, Saint-Séverin et
Saint-Benoît. Seulement, quand Rapin arriva avec ses archers à Saint-Benoît, on
sonna le tocsin et les habitants du quartier contraignirent le lieutenant
criminel à une honteuse retraite.
Ce succès donna l’idée à Bussy Le Clerc, devenu
capitaine militaire de la Sainte Union, de montrer la puissance de la Ligue
tout en tendant un piège à celui qui les trahissait. En effet, depuis les deux
précédentes tentatives d’insurrection de la Ligue, en février et en mars, le conseil
des seize était certain qu’il y avait un traître parmi ses proches. Il avait
donc été dressé une liste d’espions possibles sur laquelle se trouvait Nicolas
Poulain.
Pourtant Poulain avait des défenseurs, en
premier lieu son ami Bussy qui rappelait à chacun combien il avait fait preuve
de loyauté en achetant leurs armes. Néanmoins, M. de La Chapelle
trouvait qu’il y avait des ombres dans le comportement du lieutenant du prévôt.
Par exemple, cette inexplicable amitié avec Olivier Hauteville, dont on disait
qu’il était en province pour régler des affaires de famille. Plus étrange
encore était le retour de Poulain deux mois avant celui de la reine mère, alors
qu’il était pourtant prévôt de son hôtel.
Sur cette affaire, Poulain s’était justifié en
expliquant qu’il avait obéi à des ordres de M. de Montpensier, mais
bien des membres du conseil de l’union auraient aimé savoir ce qui s’était
passé durant ce voyage en Poitou et en Saintonge. Malencontreusement, les
relations entre la Ligue parisienne et les Guise s’étaient tellement dégradées
que personne n’osait interroger la duchesse de Montpensier. Quant à Mayneville,
il avait quitté Paris avec le duc de Mayenne.
Pour piéger l’espion, Bussy Le Clerc avait
raconté à tous les suspects que les prédicateurs parisiens agissaient sur les
conseils d’un notaire ligueur demeurant près de Saint-Séverin. Malgré les
risques encourus, Poulain transmit l’information à M. de Richelieu
qui envoya des archers pour arrêter le notaire. Mais à sa place ils trouvèrent
Le Clerc et une compagnie de ligueurs bien armés. Il y eut une violente
échauffourée à
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