La Guerre Des Amoureuses
Olivier rejoignit-il le
régiment du baron de Rosny qui menait une guerre d’escarmouches en Saintonge.
Impressionné par ce jeune homme savant comme
un clerc, bon juriste et bon mathématicien, Rosny le voulut dans son état-major.
C’est ainsi qu’un jour où le duc de Joyeuse revenait de Saintes par le grand
chemin, Olivier se retrouva dans une épaisse forêt avec cinquante hommes d’armes
sous le commandement du baron. Un soldat monté en haut d’un arbre observait les
mouvements de l’armée ennemie.
Quand les premiers bataillons s’avancèrent, plusieurs
gentilshommes de Rosny voulurent fondre sur eux. Le baron s’y opposa, appliquant
une maxime du roi de Navarre qui disait qu’on réussissait rarement en attaquant
la tête d’une armée. Leur petite compagnie s’en prit seulement aux deux derniers
escadrons, laissant tout de même sur place une quinzaine de cadavres et un
riche butin.
Ainsi après avoir beaucoup appris avec M. de Mornay
et Henri de Turenne, Olivier découvrait de nouvelles pratiques pour conduire
une guerre. Le temps où il n’était qu’un clerc envisageant de passer sa thèse à
la Sorbonne lui paraissait bien lointain, et pourtant il s’était écoulé moins
de trois ans.
C’est fin juin qu’arrivèrent
à Paris les nouvelles de la victoire du duc de Joyeuse à La Motte Saint-Éloy et
des crimes qu’il avait commis, mais l’attention de la Cour se portait à ce
moment-là sur le rejet par le parlement d’édits créant de nouvelles chambres
judiciaires, et donc des charges de magistrat vendues au prix fort. En même
temps, l’agitation populaire ne faiblissait pas. Les colporteurs vendaient la
gravure d’un tableau peint à la demande de la duchesse de Montpensier qui
représentait les cruelles tortures exercées par la reine d’Angleterre contre
les catholiques de son royaume. Ce tableau, placé par le curé de Saint-Séverin
dans le cimetière de sa paroisse, provoquait des rassemblements où la foule
grondait autant contre les protestants que contre la Cour. Le roi dut
contraindre le parlement à le faire enlever une nuit, par crainte d’une
insurrection.
Des échauffourées éclatèrent pourtant aux
halles contre les boulangers. Les émeutiers en profitèrent pour piller
plusieurs maisons. La ville était tellement enfiévrée que Nicolas Poulain
devinait qu’à tout moment l’insurrection pouvait éclater et emporter la royauté.
À la mi-août, ayant entendu dire que le duc d’Épernon
agissait contre lui à la Cour, le duc de Joyeuse regagna Paris en toute hâte en
abandonnant son armée. Il n’était pas plutôt parti que ses soldats s’abandonnèrent
au désordre et à la picorée.
Le roi de Navarre rassembla douze cents hommes
et tomba sur les compagnies éparses de cette armée sans chef qu’il trouvait
généralement dans l’ivresse ou dans la débauche. À chaque engagement, il les
taillait en pièces et le butin était consistant. Une fois le baron de Rosny
parvint ainsi à saisir des bagages du duc de Mercœur dont il retira deux mille
écus. Olivier en reçut trois cents.
À Paris, le vide se
faisait autour du roi jugé de plus en plus impuissant, incapable même d’imposer
sa loi à ses favoris. Deux jeunes frères du prince de Condé, élevés dans la
religion catholique par leur oncle, le cardinal de Bourbon, choisirent de
rejoindre l’armée protestante. L’un d’eux était François de Bourbon, prince de
Conti, l’autre était Charles, comte de Soissons, né d’un deuxième mariage. Princes
de sang et successeurs dans la lignée dynastique, ils partirent avec des
centaines de gentilshommes et d’arquebusiers.
Le coup fut rude pour le roi de France, même
si cette défection n’avait pas que des avantages pour Navarre, car les deux
frères, très impopulaires, étaient envieux de leur aîné Condé. De surcroît
Conti était sourd et presque muet, et Charles de Soissons avait une ambition
démesurée et un art profond de la dissimulation.
Fâché par cet abandon, Henri III accepta alors
de confier une nouvelle armée au duc de Joyeuse qui brûlait de venger les
défaites de ses soldats. Mais à force d’entendre dire que son archimignon était
passé à la Ligue, le roi manifestait à son égard une certaine méfiance et il
lui ordonna de seulement gêner les mouvements d’Henri de Navarre.
En même temps, comme l’armée des reîtres que
Navarre attendait était enfin rassemblée pour entrer en Lorraine,
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