La Guerre Des Amoureuses
encore vivante. Je ne sais pas si
elle survivra, mais ne tentez plus rien contre elle. Sinon, c’est moi qui vous
tuerai !
— Je devais l’empêcher de venir à
Chenonceaux. C’est chose faite, répliqua nerveusement l’Italien.
Ils revinrent en silence vers Flavio et les
autres comédiens.
— À vous revoir, monsieur Poulain ! lança Il Magnifichino , avec impertinence comme le prévôt s’éloignait.
Le convoi s’était
reformé et l’avant-garde s’était mise en route. Poulain alla chercher son
cheval et se dirigea vers le coche de Mme de Montpensier. Elle était
en compagnie du duc de Nevers.
— Monsieur Poulain, vous daignez enfin
venir jusqu’à moi ! ironisa aigrement la duchesse alors qu’avec sa monture
il s’approchait de la fenêtre du coche.
— Je suis désolé, madame, mais l’enquête
que je mène prime sur mes devoirs de courtoisie.
— Que s’est-il passé ? On dit que
madame Sardini n’a pas été tuée ? demanda le duc de Nevers d’un ton
conciliant.
Nicolas Poulain fit un résumé de l’attentat, de
l’opération qu’avait tentée M. de Bezon, et des premières
constatations qu’il avait faites.
— Pourquoi étiez-vous avec M. Venetianelli ?
demanda la duchesse avec suspicion.
— Il m’avait fait savoir qu’il avait vu
un individu assez étrange dans la rue de Mme Sardini, hier. Un homme… avec
une épaisse barbe blanche qui examinait les maisons, inventa brusquement
Poulain, en songeant à celui qu’il avait croisé sur le chemin. Je l’ai
interrogé, mais je ne peux rien en tirer d’intéressant.
— Revenez dès que vous en saurez plus, demanda
Nevers. Si ce crime restait inexpliqué, il pourrait dissuader le roi de Navarre
de venir à Chenonceaux.
Poulain les salua pour aller faire le même
compte-rendu au duc de Montpensier.
Le convoi repartit. Il y avait encore quatre à
cinq heures de route avant l’étape. En chemin, la duchesse de Montpensier ne
parla guère au duc de Nevers. Tout se bousculait dans sa tête. Elle avait
découvert la présence du jeune Hauteville à Blois, puis son amitié avec ce
Poulain, qui heureusement était aux Guise, et enfin la présence de M. de Mornay
chez Hauteville. Quant à la fille du pape des huguenots, c’était peut-être sa
maîtresse. Enfin, elle avait appris avec stupeur que le jeune homme logeait
chez Mme Sardini, et maintenant on venait de tenter d’assassiner son
hôtesse.
Quels liens y avait-il entre tous ces
événements ?
Elle avait l’impression d’être un bouchon
ballotté dans une tempête. Il fallait qu’elle reprenne l’initiative. Mais
comment ?
Le lendemain,
M. de Bezon envoya un des gardes de la reine à Blois. Celui-ci revint
avec de mauvaises nouvelles. Encore inconsciente, Mme Sardini souffrait d’une
forte fièvre. Le pronostic du médecin était très pessimiste.
12.
La suite royale mit trois jours pour atteindre
Chenonceaux où la Cour s’installa au début de septembre. Les gentilshommes et
les dames d’honneur de Catherine de Médicis furent logés au château dans des
conditions d’infecte promiscuité. Ainsi ceux qui étaient sous les combles
durent partager leur paillasse dans des chambres cloisonnées par de simples
tentures, mais c’était le prix à payer pour être au plus près de la reine. Les
autres logeaient dans les bâtiments de la ferme, la tour des Marques, ou la chancellerie.
Enfin, ceux qui souhaitaient un peu de confort choisirent les hostelleries et
les maisons du village réquisitionnées ou encore les fermes environnantes. Ainsi
le duc de Nevers s’établit dans la maison des Pages, devant l’église, les
Gelosi s’installèrent à l’hostellerie des Trois-Rois, et si Mme de Montpensier
eut droit à plusieurs pièces du château, son beau-fils, le duc, prit logis à
Chissay.
Nicolas Poulain s’attribua un logement dans la
tour des Marques, devant le château, et obtint une chambre pour Olivier, son
commis et leur valet dans un corps de logis de la ferme. Comme Olivier était
resté à Blois, les deux serviteurs disposèrent d’une belle pièce.
La reine s’installa dans ses appartements
habituels, une de ses chambres servant au conseil qu’elle tenait chaque jour
avec les ducs, tandis que son cabinet et sa bibliothèque, qui dominaient le
Cher, restaient ses endroits préférés pour travailler. C’est là qu’elle reçut, dès
son arrivée, M. des Réaux, ambassadeur envoyé par le roi de Navarre.
Durant
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