La Guerre Des Amoureuses
de la pauvre femme.
— C’est le traitement des blessures que
mon oncle recommandait, dit-il à l’attention du médecin. Une fois la plaie bien
lavée, il faut mettre des compresses de mille-feuille et les changer toutes les
heures. Elles provoquent la cicatrisation. La belladone est là pour réduire la
douleur.
L’apothicaire lui présenta la pâte de
belladone écrasée dans une cuillère en argent.
— Ouvrez-lui la bouche et faites-la l’avaler.
Il descendit du tabouret et dit au médecin :
— Je ne peux rien faire d’autre. Occupez-vous
des compresses. Et ne lui donnez pas trop de belladone, la plante peut
provoquer des empoisonnements, même en petites quantités. Si elle ne meurt pas,
je reviendrai dans quelques jours.
Il se tourna vers Poulain :
— Monsieur le Prévôt, nous pouvons
maintenant rejoindre le cortège. La reine doit avoir hâte de savoir ce qui s’est
passé.
— Nicolas, je reste ici, décida Olivier.
Mme Sardini a été bonne pour moi et je ne veux pas l’abandonner maintenant.
Elle peut avoir besoin de moi. Je te rejoindrai plus tard si elle reprend
conscience. J’en profiterai pour interroger les voisins. Si quelqu’un a vu le
tireur, je te le ferai savoir.
Depuis trois jours, Nicolas
Poulain avait envoyé des fourriers et des chariots de meubles à Chenonceaux. Il
avait fait lui-même deux fois le chemin et connaissait parfaitement l’itinéraire
du convoi. Après avoir traversé la Loire, galopant sur le chemin avec M. de Bezon
et ses trois gardes, ils dépassèrent des marchands en mule ou en charrettes, des
âniers, et bien sûr d’innombrables pèlerins à pied, en route pour Rome ou
Compostelle. On voyait peu d’hommes en armes, aussi, les quatre cavaliers que
Poulain aperçut à un moment devant lui attirèrent son attention.
Il les observa en passant devant eux. Devant
se trouvait un barbu en demi-armure, la tête recouverte d’une bourguignote à
nasal. Nicolas Poulain ne put distinguer ses traits, mais la silhouette et un
bras ballant lui rappelèrent vaguement quelqu’un, sans qu’il puisse se souvenir
qui. Sans doute l’avait-il croisé à Blois. Ses compagnons étaient aussi
solidement armés, mais il ne les reconnut pas.
Ils retrouvèrent le cortège royal un peu après
midi. Le convoi s’était arrêté devant un bois, à côté d’une grande ferme pour
avoir l’eau du puits. Poulain et Bezon se rendirent jusqu’au coche de la reine,
évitant plusieurs gentilshommes qui voulaient les interroger, car tout le monde
savait maintenant qu’on avait tiré sur Mme Sardini.
La reine terminait de dîner dans sa voiture en
compagnie de sa petite-fille. Dans une sorte de tente dressée sur l’un des
côtés du véhicule attendaient courtisans et serviteurs qui passaient les plats
et servaient les boissons.
— Monsieur de Bezon ! s’exclama la
reine en les voyant, j’allais envoyer des gens aux nouvelles !
D’un geste impérieux, le nain fit sortir tout
le monde et fermer la tente. Poulain et lui restèrent seuls avec les femmes.
— Que s’est-il passé ? demanda
Catherine de Médicis. Mme de Limeuil… est-elle…
— Elle est au plus mal, madame, répondit
Bezon, j’ignore si elle vivra.
— Racontez-moi.
— Parlez, monsieur Poulain, vous étiez le
premier sur les lieux, déclara Bezon en le désignant.
— J’ai été prévenu par un des Suisses de Mme Sardini,
Majesté. Quand je suis arrivé, elle était dans son lit, inconsciente. Une balle
de mousquet l’avait touchée en haut du ventre. Son médecin était avec elle. J’ai
immédiatement cherché à savoir d’où on avait tiré. Avec un ami qui m’avait
accompagné, nous avons exploré la rue. En face, en haut d’un escalier extérieur,
cela sentait encore la poudre. On avait tiré de là ou du toit proche, avec un
mousquet.
— Qui ?
— Je ne sais pas, madame, il n’y avait
plus personne. M. de Bezon est arrivé peu après.
— Elle était perdue, madame, expliqua le
nain, comme pour se disculper d’avance. J’ai tenté l’impossible. J’ai extrait
la balle.
— Comment va-t-elle ?
— Elle a perdu beaucoup de sang, madame, déclara
Bezon. Il y a des brins de tissus dans la plaie, l’infection est probable. J’ai
fait ce que j’ai pu.
— Je ne vous reproche rien ! répliqua
la Médicis. Monsieur Poulain, que comptez-vous faire pour retrouver l’assassin ?
poursuivit-elle.
— Ce sera difficile, madame, répondit-il,
ne
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