La Guerre Des Amoureuses
comédie un moment…
Poulain hocha du chef et prit le comédien
amicalement par l’épaule. Il s’était ressaisi. Tout comme Olivier, il en était
venu à apprécier Isabeau de Limeuil. Il l’avait soignée, il l’avait vue
souffrir, et il voulait punir l’assassin. Maintenant il n’était plus sûr d’y
parvenir. Pourquoi Venetianelli lui avait-il tiré dessus ? Était-ce une
vengeance du roi ou du marquis d’O qui auraient appris quelque complicité des
Sardini dans le vol des quittances par M. de Mornay chez Olivier, l’année
précédente ? Si c’était le cas, le roi et le marquis d’O ne méritaient que
son mépris et il quitterait le service du grand prévôt, décida-t-il, le cœur
plein d’amertume.
— C’est M. de Richelieu qui m’a
donné cette médaille. Il m’a dit de vous la montrer si j’étais en difficulté… (Il
se racla la gorge.) Je crois que je le suis !
— C’est vous qui avez tiré sur Mme Sardini ?
— Je croyais que vous aviez des témoins !
railla perfidement l’Italien. Oui, je l’avoue, mais j’ai agi sur ordre.
— De M. de Richelieu ?
— En effet, et surtout du roi.
— Pourquoi le roi aurait-il donné l’ordre
de tuer cette femme innocente ?
Jusqu’à présent, le comédien était resté badin.
Son sourire s’effaça.
— Elle n’est pas innocente, monsieur le
Prévôt. Je lui ai fait remettre, il y a deux jours, un ordre écrit du roi pour
rentrer à Paris. Si elle avait obéi, elle serait encore vivante.
M. de Richelieu m’avait ordonné de l’écarter si elle refusait de
partir.
— Mais pourquoi ? s’exclama Poulain,
désemparé.
— Elle ne devait pas arriver à
Chenonceaux, monsieur le Prévôt. Et ceci pour une raison simple : Mme Sardini
est chargée de tuer monseigneur de Navarre.
À cette accusation à laquelle il ne s’attendait
pas, Poulain demeura comme pétrifié. C’était impossible !
— Je suis désolé de vous l’annoncer, ironisa Il Magnifichino . Mais je pense vous avoir rendu service…
Nicolas Poulain était en pleine confusion. Elle ?
Une criminelle ? Pourtant, le doute lui vint rapidement. Il se souvint des
accusations qu’on lui avait rapportées quand Mme Sardini était encore
Isabeau de Limeuil. On l’avait accusée d’avoir empoisonné un de ses amants et
elle avait été emprisonnée avant que le prince de Condé ne la fasse évader.
— Que savez-vous d’autre ? demanda-t-il,
le visage contracté.
— Rien ! Je crois que je vous ai dit
tout ce qu’a voulu me confier le grand prévôt. Je suis à son service depuis
deux ans. Il sait – j’ignore comment – qu’à l’occasion de ce voyage, certains
vont tenter d’assassiner Navarre. Il a eu la preuve que l’un des assassins présumés
était Mme Sardini, mais il y en a peut-être d’autres. Il m’a d’ailleurs
chargé de les découvrir, persifla-t-il. Pourquoi ne m’aideriez-vous pas ?
— Vous n’avez jamais pensé que M. de Richelieu
aurait pu vous mentir ?
— Bien sûr ! Je ne suis pas né de la
dernière pluie ! Mais j’ai vu aussi le roi, alors, je suis bien obligé de
croire et de faire ce que l’on me dit.
— Vous avez rencontré Sa Majesté ?
— Oui, au Louvre, dans son cabinet. Il m’a
confirmé cette mission.
Poulain se sentit amer. Si tout cela était
vrai, pourquoi Richelieu ne lui avait-il rien dit ? En le prévenant, il
aurait pu empêcher le crime et forcer Mme Sardini à partir. C’était un
gâchis !
— Qu’allez-vous faire ? s’inquiéta l’Italien.
— En ce qui vous concerne ? Rien, bien
sûr, rassurez-vous. Je vais maintenant parler à ceux qui m’ont demandé de leur
raconter ce qui s’est passé. Nous reparlerons de tout cela.
Il s’apprêtait à revenir vers les Gelosi quand
il demanda :
— Vous avez tiré du haut de l’escalier, mais
je n’ai pas trouvé le mousquet…
— Comment le savez-vous ?
— L’odeur de la poudre.
— J’ai acheté le mousquet la veille. Il m’a
coûté soixante écus et je n’ai pas voulu l’abandonner. Je l’ai roulé dans mon
manteau. Il est dans ma malle. Dois-je m’en débarrasser ?
— Non. Si on doit tenter de tuer
monseigneur de Navarre, j’aurai besoin de votre aide, et un homme sachant tirer
aussi bien que vous peut être utile, persifla Poulain. Puis-je compter sur vous ?
— Je suis à votre service.
— Je veux bien vous faire confiance. Autre
chose : Mme de Limeuil est
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