La Guerre des Gaules
navires furent brisés ; les autres, ayant perdu câbles, ancres et autres agrès, étaient hors d'usage : cette situation, comme il était inévitable, émut fort toute l'armée. Il n'y avait pas, en effet, d'autres navires qui pussent nous ramener, on n'avait rien de ce qu'il fallait pour réparer la flotte, enfin, chacun pensant qu'on devait hiverner en Gaule, on n'avait pas fait de provisions de blé pour passer l'hiver dans cette île.
30. Quand ils surent notre embarras, les chefs bretons qui étaient venus trouver César après la bataille se concertèrent : voyant que les Romains n'avaient ni cavalerie, ni bateaux, ni blé, se rendant compte du petit nombre de nos effectifs d'après les dimensions de notre camp, qui était d'autant plus restreint que César avait emmené ses légions sans bagages, il leur parut que le meilleur parti à prendre était de se révolter, de nous empêcher de nous procurer du blé et des vivres, et de traîner les choses jusqu'à l'hiver : quand ils nous auraient vaincus, ou qu'ils nous auraient interdit le retour, personne, pensaient-ils, n'oserait plus passer en Bretagne pour y porter la guerre. Ayant donc renoué leur coalition, ils se mirent à quitter peu à peu le camp et à rappeler en secret les hommes qu'ils avaient renvoyés aux champs.
31. César n'était pas encore au courant de leurs projets ; mais, après ce qui était arrivé à sa flotte, et en voyant les Bretons interrompre leurs livraisons d'otages, il se doutait de ce qui allait se produire. Aussi prenait-il des précautions pour parer à tout événement. Chaque jour il faisait apporter du blé de la campagne dans le camp ; le bois et le bronze des vaisseaux qui avaient le plus souffert étaient employés à réparer les autres, et il faisait venir du continent ce qu'il fallait pour ces travaux. De la sorte, les soldats s'y employant avec la plus grande ardeur, César arriva, avec une perte de douze navires, à ce que les autres fussent en état de bien naviguer.
32. Sur ces entrefaites, comme, selon l'habitude, une légion – c'était la septième – avait été envoyée au blé, et sans que rien jusque-là se fût produit qui pût faire craindre des hostilités, une partie des Bretons restant aux champs, d'autres même fréquentant notre camp, les gardes qui étaient en avant des portes annoncèrent à César qu'un nuage de poussière d'une grosseur insolite se voyait du côté où était partie la légion. César – et il ne se trompait point – soupçonna quelque surprise des Barbares il prit avec lui, pour aller de ce côté, les cohortes qui étaient aux postes de garde, et ordonna que deux de celles qui restaient en fissent la relève, tandis que les autres s'armeraient et le suivraient sans retard. S'étant avancé à quelque distance du camp, il vit que les siens étaient pressés par l'ennemi et se défendaient péniblement la légion formait une masse compacte sur laquelle les traits pleuvaient de toutes parts. Comme, en effet, le blé avait été coupé partout, sauf en un endroit, l'ennemi, soupçonnant que nous y viendrions, s'était caché la nuit dans des bois ; puis, tandis que nos hommes étaient dispersés, sans armes, et occupés à moissonner, ils les avaient assaillis soudainement, en avaient tué quelques-uns, et avaient jeté le trouble chez les autres qui n'arrivaient pas à se former régulièrement ; en même temps, la cavalerie et les chars les avaient enveloppés.
33. Voici comment ils combattent de ces chars. Ils commencent par courir de tous côtés en tirant la peur qu'inspirent leurs chevaux et le fracas des roues suffisent en général à jeter le désordre dans les rangs ; puis, ayant pénétré entre les escadrons, ils sautent à bas de leurs chars et combattent à pied. Cependant les conducteurs sortent peu à peu de la mêlée et placent leurs chars de telle manière que, si les combattants sont pressés par le nombre, ils puissent aisément se replier sur eux. Ils réunissent ainsi dans les combats la mobilité du cavalier à la solidité du fantassin ; leur entraînement et leurs exercices quotidiens leur permettent, quand leurs chevaux sont lancés au galop sur une pente très raide, de les retenir, de pouvoir rapidement les prendre en mains et les faire tourner ; ils ont aussi l'habitude de courir sur le timon, de se tenir ferme sur le joug, et de là, de rentrer dans leurs chars en un instant.
34. Cette tactique inattendue troublait nos soldats, et
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