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La guerre des rats(1999)

La guerre des rats(1999)

Titel: La guerre des rats(1999) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Robbins
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avec sa voix. Il essaie de tuer la peur, de tuer le doute. Tout va bien partout pour l’Allemagne, prétend-il. Nous sommes en train de gagner, le monde entier tremble devant nous. Ne vous inquiétez pas pour vos fils. Ils sont chaudement enveloppés dans le destin de l’Allemagne.
    Récitant une liste de villes conquises par la Wehrmacht, le ministre de la Propagande emmena son auditoire en excursion sur tous les fronts du Troisième Reich. À chaque étape, les soldats allemands exécutaient bravement un chant pour souhaiter un joyeux Noël rassurant aux êtres chers qui les attendaient au pays.
    « Et maintenant, de Narvik », annonça Goebbels.
    Les hommes groupés autour du poste se joignirent aux soldats stationnés au nord du cercle arctique, sur la côte norvégienne, et entonnèrent « Le Bon Roi Wenceslas ». Bien qu’il se mêlât lui aussi au chœur, Nikki soupçonna les chanteurs de n’être pas en Norvège mais dans un studio de Berlin. Les voix étaient trop justes, trop bien accordées pour être celles de combattants.
    « De Tunisie », glapit Goebbels à la fin du chant. Un autre chœur irréprochable exécuta Stille Nacht, Heilige Nacht. Dans l’usine, les hommes oscillaient, se prenaient par les épaules en chantant. La lueur du feu se reflétait dans leurs yeux et dans les traces humides sur leurs joues. Une larme se forma au coin de l’œil de Nikki. C’était bon de se sentir ému, de pleurer avec ces hommes, perdus comme lui.
    « … stille Nacht, heilige Nacht, alles schläft, einsam wacht… »
    Nikki chantait et pleurait. Il sentait que la rupture approchait enfin, que la corde effilochée allait casser. Dans son cœur, il n’était plus un soldat de l’armée allemande. Il avait été délivré de son devoir par les mensonges de la radio autant que par les absurdités cruelles dont il était témoin depuis quatre mois. Goebbels raconte au peuple allemand que tout est calme, alors qu’en vérité nous mourons à Stalingrad, en Europe, en Afrique, partout.
    Nikki laissait ses larmes couler. Ça suffit, décida-t-il. J’ai fait mon devoir, j’ai laissé derrière moi une file de cadavres. C’est ce qu’on attendait de moi. Je l’ai fait.
    Le devoir. Nous, les Allemands, nous nous accrochons au devoir comme à un châle qui nous tient chaud. Nous sommes prêts à faire n’importe quoi en son nom. Grelotterons-nous de froid quand le châle sera déchiré, quand les menteurs se tairont enfin et que le devoir que nous avions envers leurs mensonges mourra avec eux ? Que feront alors ceux qui y ont cru ? Ils prétendront qu’ils ne savaient pas, que leurs chefs leur avaient menti ! Mieux vaut tuer le devoir au premier signe de mensonge. Mieux vaut l’écraser tout de suite, comme un serpent tombé d’un arbre !
    Libéré du devoir, tu vois clairement tous les mensonges, parce que le devoir rend aveugle. Regarde-le, ton devoir, se tordre par terre en sifflant, le dos brisé. Hitler. Staline. Churchill. Mussolini. Roosevelt. Hirohito. Comme les hommes qui chantent à la radio : un chœur de menteurs. Ils mentent forcément, parce que cette guerre qu’ils nous ont dit de mener ne peut pas être la vérité pour l’humanité. Elle ne peut être qu’un mensonge insensé !
    Je n’ai plus de devoir envers l’Allemagne. Je n’ai de devoir qu’envers moi, désormais, envers la vie que Dieu seul m’a donnée. Je réserve mon amour à ma famille. Parce que Hitler m’a menti et abandonné, le contrat qui me liait à lui est rompu. Je ne tuerai plus ses ennemis, je ne suivrai plus ses ordres. Je suis libre.
    « … schlafe in himmlischer Ruhe, Schlafe in himmlis-cherRuhe. »
    La mélodie s’arrêta. Les soldats cessèrent de se balancer, essuyèrent leurs yeux à leur manche.
    « Et maintenant, de la Forteresse Stalingrad », claironna Goebbels, la voix gonflée de fierté.
    Les hommes échangèrent des regards incrédules.
    — D’où ? dit l’un.
    — C’est pas croyable !
    — Y a personne de la radio, ici ! Quand ils seraient arrivés ? Aujourd’hui, avec ce blizzard ?
    — C’est du bidon. Goebbels nous baratine !
    — Vous avez entendu ça ? De la Forteresse Stalingrad ? Merde !
    — Le reste aussi, c’était bidon ? Qu’est-ce que vous en pensez ?
    Mond quitta le cercle des soldats consternés. Maintenant, ils savent, eux aussi. C’est bien. Les hommes devraient toujours savoir la vérité quand ils vont mourir.
    Avant de s’éloigner du feu, il se pencha, toucha

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