La guerre des rats(1999)
Manstein pour bloquer l’avance soviétique.
À huit heures et cinq minutes, le matin du 10 janvier, les Russes reprirent leur offensive contre le Chaudron par une attaque massive précédée par une heure de bombardement d’artillerie sur les positions allemandes. À neuf heures précises, un millier de chars soviétiques et des troupes d’infanterie fraîches se lancèrent dans la mêlée. Le cercle se resserra autour des assiégés. Les Rouges enfoncèrent les lignes allemandes, regagnant en un jour des centaines de kilomètres carrés que les envahisseurs avaient mis des mois à conquérir. L’infanterie et les divisions motorisées du Reich se battirent courageusement mais sans ardeur, et leur résistance se brisa rapidement.
Pendant tout le mois de janvier, les Allemands se rendirent par milliers. Ressemblant plus à des épouvantails qu’à des hommes, ils sortaient du brouillard ou de la neige en titubant, les mains en l’air, la tête et les pieds entourés de lambeaux de tissu, les orbites creusées par la faim.
Malgré l’état pitoyable des troupes ennemies qui se rendaient, un grand nombre de Russes gardaient une haine farouche pour les soldats allemands. Leur colère avait été chauffée à blanc par l’invasion de leur pays, par la cruauté des nazis dans les territoires occupés, par le terrible siège de Leningrad et les discours fielleux incessants des propagandistes rouges. Chaque Russe portait dans ses mains en même temps que sa mitraillette la souffrance de la rodina.
Des compagnies entières d’Allemands, de Roumains, de Hongrois et d’Italiens furent fauchées alors qu’elles avançaient sous un drapeau blanc. Les unités russes qui les massacrèrent ne furent pas punies, mais bénéficièrent de l’accord tacite de leurs généraux et de Staline pour exterminer l’ennemi. La troisième semaine de janvier, la Sixième Armée, qui, deux mois plus tôt, comptait plus de trois cent mille hommes, avait été réduite par les tueries, la faim et le froid à moins de quatre-vingt-dix mille soldats.
Le 30 janvier, Hitler télégraphia au général Paulus qu’il l’élevait au grade de maréchal. Sachant qu’aucun maréchal allemand ne s’était jamais rendu, le Führer espérait que le commandant de la Sixième Armée encerclée comprendrait le message et se suiciderait, accomplissant ce que le dictateur considérait comme un dernier acte héroïque. Au lieu de se tuer, Paulus se rendit avant l’aube à un jeune lieutenant russe, Fedor Yelchenko, assis dans un char devant le quartier général de la Sixième Armée, installé dans le grand magasin Univermag dévasté, la tourelle braquée directement sur la fenêtre de Paulus.
Toute résistance organisée cessa dans Stalingrad le 2 février et de longues colonnes de prisonniers sortirent de la ville par le nord. Les Allemands traversèrent la Volga sous une neige aveuglante puis tournèrent à l’est vers les camps de détention. À ceux qui ne pouvaient suivre, les gardes du NKVD tirèrent une balle dans la nuque et leurs cadavres furent abandonnés au bord de la route.
Les files de prisonniers passèrent par des villages que la guerre avait épargnés. Bien que l’Armée rouge eût arrêté la Wehrmacht à Stalingrad, les Russes vivant à l’est de la Volga montrèrent leur haine pour les Allemands comme s’ils avaient été eux-mêmes au cœur des combats. Des femmes, des vieillards se ruaient sur les captifs claudiquant pour les gifler, les insulter, leur voler leurs dernières possessions. Plusieurs fois, des soldats russes épanchèrent leur rage en tirant sans discrimination sur les colonnes avançant à pas lent.
Des bivouacs furent installés pour les prisonniers le long de la route, rarement plus que des tentes hâtivement montées, des granges traversées par des courants d’air ou des usines aux carreaux brisés. On jetait de la paille sur le sol pour permettre aux prisonniers de s’étendre. Chaque matin, ils étaient moins nombreux à se lever pour reprendre la marche vers l’est. Beaucoup mouraient de faim et de froid dans la nuit. Le typhus causé par les poux infectant leurs crevasses les frappait aussi.
Finalement, les survivants grimpèrent sur les plateaux des camions qui les conduisirent dans des camps de travail en Sibérie.
Au début de l’invasion allemande, Staline avait évacué une grande partie de l’industrie soviétique à l ‘est de l’Oural. Il fallait maintenant des voies
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