Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Guerre Du Feu

La Guerre Du Feu

Titel: La Guerre Du Feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: J.H. Rosny aîné
Vom Netzwerk:
chaque Feu peut mourir. Mais la stature d’un feu est illimitée, et, d’autre part, il se laisse découper sans fin ; chaque morceau peut vivre. Il décroît lorsqu’on le prive de nourriture : il se fait petit comme une abeille, comme une mouche, et, cependant, il pourra renaître le long d’un brin d’herbe, redevenir vaste comme un marécage. C’est une bête et ce n’est pas une bête. Il n’a pas de pattes ni de corps rampant, et il devance les antilopes ; pas d’ailes, et il vole dans les nuages ; pas de gueule, et il souffle, il gronde, il rugit ; pas de mains ni de griffes, et il s’empare de toute l’étendue... Naoh l’aimait, le détestait et le redoutait. Enfant, il avait parfois subi sa morsure ; il savait qu’il n’a de préférence pour personne – prêt à dévorer ceux qui l’entretiennent – plus sournois que l’hyène, plus féroce que la panthère. Mais sa présence est délicieuse ; elle dissipe la cruauté des nuits froides, repose des fatigues et rend redoutable la faiblesse des hommes.
    Dans la pénombre des pierres basaltiques, Naoh, avec un doux désir, voyait le brasier du campement et les lueurs qui effleuraient le visage de Gammla. La lune montante lui rappelait la flamme lointaine. De quel lieu de la terre la lune jaillit-elle, et pourquoi, comme le soleil, ne s’éteint-elle jamais ? Elle s’amoindrit ; il y a des soirs où elle n’est plus qu’un feu chétif comme celui qui court le long d’une brindille. Puis elle se ranime. Sans doute, des Hommes-Cachés s’occupent de son entretien et la nourrissent selon les époques... Ce soir, elle est dans sa force : d’abord aussi haute que les arbres, elle diminue, mais luit davantage, tandis qu’elle monte dans le ciel. Les Hommes-Cachés ont dû lui donner du bois sec en abondance.
    Tandis que le fils du Léopard rêve à ces choses, les bêtes nocturnes vont à leur aventure. Des silhouettes furtives glissent sur les herbes. Il discerne des musaraignes, des gerboises, des agoutis, des fouines légères, des belettes au corps de reptile ; puis vient un élaphe à dix cors qui file, à contre-lune, comme une sagaie. Naoh observe ses jambes sèches, son corps couleur de terre et de chêne, les ramures qu’il incline sur le col. Il a disparu. Des loups montrent leurs têtes rondes, leurs gueules fines, leurs pattes nettes et vives. Le ventre est pâle, les flancs et le dos roussissent, puis une bande noirâtre dessine les vertèbres ; des muscles forts gonflent la nuque, toute l’allure décèle quelque chose de sournois, de judicieux et de complexe, que souligne l’obliquité du regard. Ils flairent l’élaphe, mais lui-même, dans l’humidité des pénombres, a reçu avis de leur approche et son avance est considérable. Les narines intelligentes discernent la décroissance continue des effluves : les loups savent que l’herbivore gagne de l’espace. Pourtant, ils franchissent la savane, jusqu’au couvert où les plus lestes pénètrent. La poursuite paraît inutile. Tous reviennent à pas lents, déçus, quelques-uns hurlent et gémissent. Puis les narines se remettent à explorer l’atmosphère. Elles ne relèvent rien de prochain, sinon le cadavre du tigre et les hommes cachés parmi les pierres : une proie trop redoutable et une chair que, malgré leur gloutonnerie, les loups trouvent répugnante.
    Ils s’en approchent, cependant, après avoir contourné le gîte des hommes.

    D’abord, les loups rôdèrent autour de la carcasse, avec cette prudence excessive qui ne laisse rien au hasard. Enfin, les impatients se risquèrent. Ils portèrent leurs gueules près de la tête du tigre, près du grand mufle entrouvert, par où soufflait naguère une vie empestée et formidable ; explorant le corps, ils léchèrent les plaies rouges. Toutefois, aucun ne se décidait à porter la dent sur cette chair âpre, pleine de poison, pour qui seuls les estomacs du vautour et de l’hyène ont assez de véhémence.
    Une clameur accrut leur incertitude – des plaintes, des hurlées, des ricanements. Six hyènes surgirent au clair de lune. Elles progressaient d’une allure équivoque, avec leurs avant-trains robustes, leurs torses qui s’abaissent et s’effilent pour finir par des pattes grêles. Cagneuses, le museau court et d’une puissance à broyer les os des lions, la prunelle triangulaire, l’oreille pointue et la crinière rude, elles viraient, biaisaient ou sautelaient comme des

Weitere Kostenlose Bücher