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La Guerre Du Feu

La Guerre Du Feu

Titel: La Guerre Du Feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: J.H. Rosny aîné
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Quoiqu’ils eussent souvent rencontré la bête verticale, aucun n’en avait éprouvé les ruses : toutefois, la jugeant plus forte qu’eux, ils ne la suivaient qu’à distance, et parce que leur intelligence était fine, parce qu’ils savaient que le péril ne cesse jamais à la lumière ni dans les ténèbres, ils agissaient avec méfiance. Donc, ils rôdèrent longtemps auprès des Oulhamr, ils firent beaucoup de circuits, ils s’embusquèrent dans les massifs de térébinthes et en ressortirent, ils contournèrent souvent les corps immobiles. Le croissant rougit à l’orient avant que leur doute et leur patience eussent pris fin.
    Pourtant, leurs approches étaient plus hardies ; ils venaient jusqu’à vingt coudées de l’appât ; ils s’arrêtaient longuement avec des murmures. Enfin, leur convoitise s’exaspéra ; ils se décidèrent, précipités tous ensemble, pour ne laisser aucun avantage les uns aux autres. Ce fut aussi rapide que l’avait dit Naoh. Mais les harpons furent encore plus rapides ; ils percèrent le flanc de deux chacals tandis que les autres emportaient la proie ; puis les haches brisèrent ce qui demeurait de vie aux bêtes blessées.
    Lorsque Nam et Gaw ramenèrent les dépouilles, Naoh se mit à dire :
    – Maintenant, nous pourrons tromper les Dévoreurs d’Hommes. Car l’odeur des chacals est beaucoup plus puissante que la nôtre.
    Le Feu s’était réveillé, nourri de branches et de rameaux. Il élevait sur la plaine ses flammes dévorantes et fumeuses ; on apercevait plus distinctement les dormeurs étendus, les armes et les provisions ; deux nouveaux veilleurs avaient succédé aux autres, tous deux assis, la tête basse et ne soupçonnant aucun péril.
    – Ceux-là, fit Naoh, après les avoir considérés avec attention, sont plus faciles à surprendre... Nam et Gaw ont chassé les chacals ; le fils du Léopard va chasser à son tour.
    Il descendit du mamelon, emportant la peau d’un des chacals, et disparut dans les broussailles qui croissaient vers le couchant. D’abord, il s’éloigna des Dévoreurs d’Hommes, afin de ne pas se découvrir. Il traversa la broussaille, rampa parmi les hautes herbes, longea une mare ombragée de roseaux et d’oseraies, tourna parmi des tilleuls, et se trouva finalement à quatre cents coudées du Feu, dans un buisson.
    Les veilleurs n’avaient pas bougé. À peine si l’un d’eux perçut l’odeur du chacal, qui ne pouvait lui inspirer aucune inquiétude. Et Naoh se remplit les yeux de tous les détails du campement. Il mesura d’abord le nombre et la structure des guerriers. Presque tous décelaient une musculature imposante : des bustes profonds, servis par des bras longs et des jambes courtes ; l’Oulhamr songea qu’aucun ne le devancerait à la course. Ensuite, il examina la figure du sol. Un espace vide, où la terre était rase, le séparait, à droite, d’un petit tertre. Après, il y avait quelques arbustes, puis un banc d’herbes hautes qui tournait vers la gauche. Cette herbe s’allongeait en une sorte de promontoire jusqu’à cinq ou six coudées du Feu.
    Naoh n’hésita pas longtemps. Comme les veilleurs lui tournaient presque le dos, il rampa vers le tertre. Il ne pouvait se hâter. À chaque mouvement des veilleurs, il s’arrêtait, il s’aplatissait comme un reptile. Il sentait sur lui, comme des mains subtiles, la double lueur du brasier et de la lune. Enfin il se trouva à l’abri et, se coulant derrière les arbustes, traversant la bande herbue, il parvint près du Feu.
    Les guerriers endormis le cernaient presque : la plupart étaient à portée de sagaie. Si les veilleurs donnaient l’alarme, au moindre faux mouvement il serait pris. Cependant, il avait pour lui une chance : le vent soufflait dans sa direction, emportant à la fois et noyant dans la fumée son odeur et celle de la peau du chacal. De plus, les veilleurs semblaient presque assoupis ; à peine si leurs têtes se relevaient par intervalles...
    Naoh apparut dans la pleine lumière, fit un bond de léopard, tendit la main et saisit un tison. Déjà il retournait vers la bande d’herbe, lorsqu’un hurlement retentit, tandis qu’un des veilleurs accourait et que l’autre lançait sa sagaie. Presque simultanément, dix silhouettes se dressèrent.
    Avant qu’aucun Dévoreur d’Hommes n’eût pris sa course, Naoh avait dépassé la ligne par où on pouvait lui couper la retraite. Poussant son cri de guerre, il

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