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La Guerre Du Feu

La Guerre Du Feu

Titel: La Guerre Du Feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: J.H. Rosny aîné
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paroi.

9

    Le roc

    Pendant quelque temps, Naoh désire frapper les fauves. La rancune remue dans son cœur. Et, l’œil fouillant la pénombre, il tient prête une sagaie aiguë. Puis, comme l’ours géant demeure invisible et la femelle éloignée, il s’apaise, il songe que le jour avance et qu’il faut atteindre la plaine. Alors, avec ennui, il marche vers la lumière. Elle s’accroît à chaque pas. Le couloir s’élargit et les Nomades poussent un cri devant les grands nuages d’automne qui se roulent au fond du firmament, la côte roide, hérissée, pleine d’obstacles, et la terre sans bornes.
    Car toute la contrée leur est familière. Ils ont parcouru depuis leur enfance ces bois, ces savanes, ces collines, franchi ces mares, campé au bord de cette rivière ou sous le surplomb des rocs. Encore deux journées de marche, ils atteindront le grand marécage que les Oulhamr rejoignaient après leurs rôderies de guerre et de chasse, et où l’obscure légende mettait leurs origines.
    Nam rit comme un petit enfant, Gaw tend les bras avec un saisissement de joie, et Naoh, immobile, sent revivre une telle abondance de choses qu’il est comme plusieurs êtres.
    – Nous allons revoir la horde !
    Déjà tous trois en percevaient la présence. Elle était mêlée aux ramures d’automne, elle se reflétait sur les eaux et transformait les nuages. Chaque aspect du site était étrangement différent des sites qui se trouvaient là-bas, à l’arrière, dans l’immense orient méridional. Ils ne se souvenaient plus que des jours heureux. Nam et Gaw, qui avaient si souvent subi la rudesse des aînés, les poings de Faouhm au geste farouche, sentaient une sécurité sans bornes. Ils regardaient avec orgueil les petites flammes qu’ils avaient, parmi tant de luttes, de fatigues et de souffrances, gardées vivantes. Naoh regretta d’avoir dû sacrifier sa cage : une superstition vague traînait au fond de son cerveau. N’apportait-il pas, cependant, les pierres qui contiennent le feu, avec le secret de l’en faire jaillir ? N’importe ! Il aurait aimé, comme ses compagnons, garder un peu de cette vie étincelante qu’il avait conquise sur les Kzamms...
    La descente fut rude. L’automne avait multiplié les éboulis et les fissures. Ils s’aidèrent de la hache et du harpon. Quand ils touchèrent à la plaine, le dernier obstacle était franchi ; ils n’avaient plus qu’à suivre des voies simples et bien connues. Pleins de leur espérance, ils fixaient des sens moins attentifs sur les événements innombrables qui enveloppent et guettent les vivants.
    Ils marchèrent jusqu’au crépuscule : Naoh cherchait une courbe de la rivière où il voulait établir le campement. Le jour mourut lourdement au fond des nuages. Une lueur rouge traîna, sinistre et morose, accompagnée du hurlement des loups et de la plainte longue des chiens : ils filaient par bandes furtives, guettaient à l’orée des buissons et des bois. Leur nombre étonnait les Nomades. Sans doute quelque exode des herbivores les avait chassés des terres prochaines et rassemblés sur ce sol riche en proies. Ils avaient dû l’épuiser. Leurs clameurs annonçaient la pénurie, leurs allures une activité fiévreuse. Naoh, sachant qu’il faut les craindre lorsqu’ils sont en grand nombre, hâtait la course. À la longue, deux hordes s’étaient formées. Vers la droite, c’étaient les chiens ; vers la gauche, les loups. Comme ils suivaient la même piste, ils s’arrêtaient quelquefois pour se menacer. Les loups étaient plus grands, avec des nuques renflées et musculeuses, les chiens avaient pour eux le nombre. À mesure que les ténèbres mangeaient le crépuscule, les yeux jetaient plus de clarté : Nam, Gaw et Naoh apercevaient une multitude de petits feux verts qui se déplaçaient comme des lucioles. Souvent, les Nomades ripostaient aux hurlées par un long cri de guerre, et l’on voyait refluer toutes ces phosphorescences.
    D’abord, les bêtes se tinrent à plusieurs portées de harpon ; avec la croissance des ténèbres, elles se rapprochèrent ; on entendait plus distinctement le bruit mou de leurs pattes. Les chiens parurent les plus hardis. Quelques-uns avaient devancé les hommes. Ils s’arrêtaient brusquement, ils bondissaient avec un cri aigu ou bien rampaient d’une manière sournoise. Mais les loups, inquiets de se voir devancés, arrivaient tous ensemble, avec leurs voix déchirantes. Il faillit y

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