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La Guerre Du Feu

La Guerre Du Feu

Titel: La Guerre Du Feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: J.H. Rosny aîné
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sinistre, Naoh riposta : le crâne d’Aghoo retentit ainsi qu’un bloc de chêne, le corps velu chancela ; un autre coup l’abattit sur la terre.
    – Tu n’auras pas Gammla ! gronda le vainqueur. Tu ne reverras ni la horde ni le marécage, et plus jamais tu ne réchaufferas ton corps auprès du Feu !
    Aghoo se redressa. Son crâne dur était rouge, son bras droit pendait comme une branche rompue, ses jambes n’avaient plus de force. Mais l’instinct opiniâtre phosphorait dans ses yeux et il avait repris la massue de la main gauche. Il la brandit une dernière fois. Avant qu’elle eût frappé, Naoh la faisait tomber à dix pas.
    Et Aghoo attendit la mort. Elle était en lui déjà ; il ne comprenait pas autrement la défaite ; il se souvint avec orgueil de tout ce qu’il avait tué parmi les créatures, avant de succomber lui-même.
    – Aghoo a écrasé la tête et le cœur de ses ennemis ! murmura-t-il. Il n’a jamais laissé vivre ceux qui lui ont disputé le butin ou la proie. Tous les Oulhamr tremblaient devant lui.
    C’était le cri de sa conscience obscure et, s’il avait pu se réjouir dans la défaite, il se serait réjoui. Du moins sentait-il la vertu de n’avoir jamais fait grâce, d’avoir toujours anéanti le piège qu’est la rancune du vaincu. Ainsi ses jours lui semblaient sans reproche... Lorsque le premier coup de mort retentit sur son crâne, il ne poussa pas une plainte ; il n’en poussa que lorsque la pensée eut disparu, qu’il ne resta qu’une chair chaude dont la massue de Naoh éteignait les derniers tressaillements.
    Ensuite, le vainqueur alla achever les deux autres frères.
    Et il sembla que la puissance des fils de l’Aurochs fût entrée en lui. Il se tourna vers la rivière, il écouta gronder son cœur ; les temps étaient à lui ! Il n’en voyait plus la fin.

11

    Dans la nuit des âges

    Chaque jour, au déclin, les Oulhamr attendaient avec angoisse le départ du soleil. Quand les étoiles seules demeuraient au firmament ou que la lune s’ensevelissait dans les nuages, ils se sentaient étrangement débiles et misérables. Tassés dans l’ombre d’une caverne ou sous le surplomb d’un roc, devant le froid et les ténèbres, ils songeaient au Feu qui les nourrissait de sa chaleur et chassait les bêtes redoutables. Les veilleurs ne cessaient de tenir leurs armes prêtes ; l’attention et la crainte harassaient leurs têtes et leurs membres : ils savaient qu’ils pouvaient être saisis à l’improviste, avant d’avoir frappé. L’ours avait dévoré un guerrier et deux femmes ; les loups et les léopards s’étaient enfuis avec des enfants ; beaucoup d’hommes portaient les cicatrices de combats nocturnes.
    L’hiver venait. Le vent du nord lançait ses sagaies ; sous les ciels purs, le gel mordait avec des dents aiguës. Et une nuit, Faouhm, le chef, dans une lutte contre le lion, perdit l’usage du bras droit. Ainsi, il devint trop faible pour imposer son commandement : le désordre grandit dans la horde. Hoûm ne voulut plus obéir. Moûh prétendit être le premier parmi les Oulhamr. Tous deux eurent des partisans, tandis qu’un petit nombre restait fidèle à Faouhm. Pourtant, il n’y eut pas de lutte armée. Car tous étaient las : le vieux Goûn les entretenait de leur faiblesse et du péril qu’il y avait à s’entre-tuer. Ils le comprenaient : à l’heure des ténèbres, ils regrettaient amèrement les guerriers disparus. Après tant de lunes, ils désespéraient de revoir Naoh, Gaw et Nam ou les fils de l’Aurochs. Plusieurs fois, on délégua des éclaireurs : ils revinrent sans avoir découvert aucune piste. Alors, la méfiance appesantit les têtes : les six guerriers étaient tombés sous la griffe des fauves, sous les haches des hommes ou avaient péri par la faim. Les Oulhamr ne reverraient pas vivre le Feu secourable !
    Malgré des souffrances plus vives que celles des mâles, les femmes seules gardaient une obscure confiance. La résistance patiente, qui sauve les races, subsistait en elles. Gammla était parmi les plus énergiques. Ni le froid ni la famine n’avaient entamé sa jeunesse. L’hiver accroissait sa chevelure ; elle roulait autour des épaules comme la crinière des lions. La nièce de Faouhm avait un sens profond des végétaux. Sur la prairie ou dans la brousse, sous la futaie ou parmi les roseaux, elle savait discerner la racine, le fruit, le champignon mangeables. Sans elle, le grand

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