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La Guerre et la Paix - Tome III

La Guerre et la Paix - Tome III

Titel: La Guerre et la Paix - Tome III Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Léon Tolstoï
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obligea adroitement l’Italien, qui en avait grand besoin, à l’accepter. Il en agit de même à propos des dettes de sa femme et de la restauration de ses maisons de ville et de campagne. Son intendant général, lui ayant présenté le tableau des pertes que lui avait causées l’incendie de Moscou, et qui étaient évaluées à près de deux millions, l’engagea, pour rétablir la balance, à refuser de payer les dettes de la comtesse et à ne pas reconstruire ses immeubles, dont l’entretien annuel revenait à 80 000 roubles. Dans le premier moment, Pierre lui donna raison, mais, à la fin de janvier, l’architecte lui ayant envoyé de Moscou le devis des travaux à faire au sujet des immeubles incendiés, Pierre, après avoir lu attentivement des lettres que le prince Basile et certains de ses amis lui écrivirent à la même époque, et dans lesquelles il était question du passif laissé par sa femme, n’hésita pas une minute à revenir sur son premier sentiment, et, résolut de faire rebâtir ses maisons et de se rendre à Pétersbourg pour acquitter les dettes de la comtesse. Cette décision diminuait, il est vrai, ses revenus des trois quarts, mais, du moment qu’il en comprit la justice et la nécessité, il la mit immédiatement à exécution.
    Villarsky étant obligé de se rendre à Moscou, il s’arrangea de manière à faire le voyage avec lui, et continua à éprouver, le long de la route, toute la joie d’un écolier en vacances. Tout ce qu’il rencontrait sur son chemin prenait à ses yeux une valeur nouvelle, et les regrets que son compagnon ne cessait d’exprimer sur l’état pauvre et arriéré de la Russie, comparativement à l’Europe occidentale, ne diminuaient en rien son enthousiasme, car, là où Villarsky ne voyait qu’un déplorable engourdissement, Pierre découvrait au contraire une source de puissance et de force et cette vivifiante énergie qui avait soutenu dans la lutte, sur les plaines couvertes de neige, ce peuple si foncièrement pur et unique dans son genre.

XV
    Il serait aussi difficile de se rendre compte des motifs qui ont engagé les Russes, après le départ des Français, à se grouper de nouveau dans ce lieu qui avait nom Moscou, que de s’expliquer pourquoi et où courent avec tant de hâte les fourmis d’une fourmilière bouleversée par un accident quelconque. Les unes s’enfuient en emportant les œufs, avec de menues brindilles ; d’autres reviennent vers la fourmilière ; d’autres se choquent, se heurtent, et se battent ; mais, de même qu’en examinant de près cette fourmilière dévastée, on devine, à l’énergie, à la ténacité des mouvements de ses nombreuses habitantes, que le principe qui faisait sa force a survécu à sa ruine complète, de même, au mois d’octobre, malgré l’absence de toute autorité, d’églises, de richesses, d’habitations, Moscou avait repris sa physionomie du mois d’août. Tout y avait été détruit, sauf son indestructible et puissante vitalité.
    Les mobiles qui poussèrent ceux qui furent les premiers à l’envahir étaient d’une nature toute sauvage. Une semaine plus tard, Moscou comptait déjà 15 000 habitants, puis 28 000, et le nombre alla en croissant avec une telle rapidité, que, dès l’automne de 1813, le chiffre de sa population avait déjà dépassé celui de l’année précédente.
    Les cosaques du détachement de Wintzingerode, les paysans des villages voisins et les fuyards qui se cachaient dans les environs furent les premiers à y rentrer et s’y livrèrent au pillage, en continuant ainsi l’œuvre des Français. Les paysans revenaient chez eux avec d’interminables files de charrettes pleines d’objets ramassés dans les maisons et dans les rues. Les cosaques faisaient de même, tandis que les propriétaires s’enlevaient mutuellement tout ce qu’ils pouvaient, sous prétexte de rentrer en possession de leur bien. Ces pillards furent suivis d’une foule d’autres. Plus leur nombre augmentait, plus leur besogne devenait difficile, et la rapine prenait une allure plus définie. Bien que les Français eussent trouvé Moscou vide, il avait pourtant conservé tous les dehors d’une organisation administrative régulière ; mais plus le séjour des Français se prolongea, plus cette apparence de vie s’éteignit, pour se transformer bientôt en un état de pillage sans limites. Le brigandage, qui signala tout d’abord la rentrée des Russes dans la capitale,

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