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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tracy Chevalier
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pour parler de cela. Je suis encore trop jeune. » Je me prévalus de la
vieille excuse. Un jour je serais trop vieille pour m’en prévaloir.
    « Je ne sais jamais ce que
vous pensez, Griet, hasarda-t-il une nouvelle fois. Vous êtes si calme, si
discrète. Vous ne dites jamais rien, mais vous n’en pensez pas moins. Je lis
parfois dans vos yeux vos pensées secrètes. »
    Je lissai ma coiffe, rattrapant
avec mes doigts les mèches rebelles. « Tout ce que je veux dire, c’est
qu’il n’y aura pas de tableau, déclarai-je, feignant de ne pas l’avoir entendu.
Maria Thins me l’a promis, mais vous ne devez le dire à personne. Si au marché
on vous parle de moi, ne relevez pas, n’essayez pas de me défendre. Sinon, Van
Ruijven pourrait l’apprendre et cela se retournerait contre vous. »
    Pieter hocha la tête, l’air
malheureux, puis il envoya un coup de pied dans un tas de paille toute crottée.
Il ne fera pas toujours preuve d’autant de bon sens, me dis-je. Un jour, il
perdra patience.
    Pour le récompenser, je me
laissai emmener dans une courette entre deux maisons, à l’écart du marché aux
bestiaux, et lui permis de caresser mon corps, ses paumes en épousant les
courbes. J’essayai d’y trouver plaisir, mais les relents des bestiaux me
dérangeaient encore.
    Malgré ce que j’avais pu dire à
Pieter, je n’étais pas rassurée par la promesse que m’avait faite Maria Thins
que je ne figurerais pas dans le tableau. Elle avait beau être une femme
redoutable, qui savait mener à bien les affaires et était consciente de sa
situation sociale, elle n’était pas Van Ruijven. Je ne voyais pas comment ils
auraient pu lui refuser ce qu’il voulait. Il avait voulu un portrait de son
épouse tournée vers le peintre, et mon maître avait répondu à ses désirs. Il
avait voulu un portrait de la servante à la robe rouge, il l’avait obtenu. S’il
me voulait moi, pour quelle raison ne m’obtiendrait-il pas ?
     
    *
     
    Un jour, trois hommes que je
n’avais jamais vus arrivèrent avec un virginal solidement arrimé à une voiture
à bras. Un jeune garçon les suivait, portant une viole de gambe plus grosse que
lui. Ces instruments n’appartenaient pas à Van Ruijven, mais à l’un de ses
parents, amateur de musique. Toute la maisonnée se retrouva pour regarder ces
malheureux se battre pour monter le virginal dans l’escalier aux marches
raides. Cornelia se campa en bas de celui-ci. Si, par malchance, ils avaient
fait tomber l’instrument, il aurait atterri directement sur elle. J’avais envie
de tendre la main pour la faire reculer. S’il s’était agi d’un autre des
enfants, je n’aurais pas hésité. Au lieu de cela, je ne bougeai pas et ce fut
Catharina qui finit par insister pour qu’elle se mette dans un endroit plus
sûr.
    Ayant hissé l’instrument, ils
l’emportèrent à l’atelier, sous la supervision de mon maître. Sitôt qu’ils
furent repartis, celui-ci appela Catharina. Maria Thins la suivit. Quelques
instants plus tard, j’entendis le son du virginal. Les filles s’assirent sur
les marches tandis que Tanneke et moi écoutions, debout dans le couloir.
    « C’est Madame qui joue ou
c’est votre maîtresse ? » demandai-je à Tanneke. Il semblait si peu
probable que ce fût l’une des deux que j’en conclus que c’était peut-être lui
que nous entendions et qu’il avait juste souhaité que Catharina lui serve
d’auditoire.
    « C’est la jeune
maîtresse, bien sûr, murmura Tanneke. Sinon pourquoi lui aurait-il demandé de
monter ? C’est qu’elle joue bien, notre jeune maîtresse. Elle jouait quand
elle était enfant, mais son père a gardé le virginal quand ma maîtresse et lui
se sont séparés. N’as-tu donc jamais entendu la jeune maîtresse se plaindre de
ne pas avoir les moyens d’acheter un instrument de musique ?
    — Non. » Je réfléchis
un moment. « Croyez-vous qu’il fera son portrait ? Pour ce tableau
avec Van Ruijven ? » Tanneke devait avoir entendu le bruit qui
courait au marché, mais elle ne m’en avait dit mot.
    « Oh ! notre maître
ne lui demande jamais de poser, elle est incapable de rester en
place ! »
    Au cours des jours qui suivirent,
il travailla à la composition du tableau. Il disposa une table et des chaises,
souleva le couvercle de l’instrument, décoré d’un paysage de rochers et
d’arbres avec un effet de ciel. Il recouvrit d’une nappe la table au premier
plan et plaça la viole de

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