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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tracy Chevalier
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aux
enchères de bestiaux qu’on avait engraissés tout l’été et tout l’automne à la
campagne afin de les mener à l’abattoir au début de l’hiver. Pieter s’était
rendu chaque jour à ces ventes.
    L’après-midi qui suivit ma conversation
avec Maria Thins, je m’esquivai, espérant le trouver au marché, juste au coin
de l’Oude Langendijck. L’ambiance y était plus calme à cette heure-là que dans
la matinée les jours d’enchères. En effet, beaucoup d’animaux avaient déjà été
emmenés par leurs nouveaux propriétaires. Sous les platanes entourant le petit
jardin public, des hommes comptaient leur argent, s’entretenaient des affaires
qui avaient été négociées. Les feuilles des arbres avaient jauni, elles étaient
tombées, se mêlant à la bouse et à l’urine, dégageant une odeur que je pus
détecter bien avant d’arriver au marché.
    Pieter fils était assis avec un
autre homme devant une des tavernes du square, une chope de bière à la main. Il
était en grande conversation, aussi ne remarqua-t-il pas que je me tenais
silencieuse près de sa table. Ce fut son compagnon qui leva la tête et donna un
coup de coude à Pieter pour lui signaler ma présence.
    « J’aimerais vous parler
un moment », m’empressai-je de dire pour ne pas donner à Pieter la chance
de paraître étonné.
    Son compagnon se leva
immédiatement et me proposa de m’asseoir à sa place.
    « Pourrions-nous marcher
un peu ? suggérai-je, tendant la main vers le petit jardin public.
    — Bien sûr »,
répondit Pieter. Il salua son ami de la tête et traversa la rue derrière moi. À
en juger par son expression, on ne pouvait dire s’il était ou non heureux de me
voir.
    « Comment se sont passées
les ventes de la journée ? » demandai-je, embarrassée, les menus
propos n’étant pas mon fort.
    Pieter haussa les épaules. Il me
prit par le coude pour me faire éviter de marcher dans une bouse, puis il me
relâcha.
    Je ne pouvais plus
attendre : « Au marché, il y a des bruits qui courent à mon sujet,
dis-je.
    — Il y a toujours des
ragots sur chacun de nous à un moment ou à un autre, répliqua-t-il d’un ton
détaché.
    — Ce que l’on raconte
n’est pas exact, je ne figurerai pas dans un tableau avec Van Ruijven.
    — Van Ruijven a un
penchant pour vous. Mon père me l’a dit.
    — Quoi qu’il en soit, je
ne vais pas figurer dans un tableau avec lui.
    — C’est un homme très
puissant.
    — Pieter, je vous demande
de me croire.
    — C’est un homme très
puissant et, vous, vous êtes une servante. Qui donc, à votre avis, gagnera la
partie ?
    — Vous vous imaginez que
je vais finir comme la servante à la robe rouge.
    — Juste si vous buvez son
vin. » Pieter me regardait calmement.
    « Mon maître n’a pas
l’intention de me peindre en compagnie de Van Ruijven », finisse par dire
au bout d’un moment, à regret, car j’avais décidé, dès le début, de ne pas
mentionner mon maître.
    « C’est bien. Et je ne
veux pas non plus qu’il fasse votre portrait. »
    Je m’arrêtai et fermai les
yeux. La proximité de ces effluves animaux commençait à me faire défaillir.
    « Vous êtes en train de
vous faire prendre là où vous ne devriez pas être, Griet, dit Pieter,
radoucissant sa voix. Leur monde n’est pas le vôtre. »
    J’ouvris les yeux et reculai
d’un pas. « Je suis venue vous expliquer que ces rumeurs sont fausses, et
non pour que vous m’accusiez. Maintenant, je m’en veux de m’être donné cette
peine.
    — Non, vous auriez tort.
Je vous crois, moi. » Il soupira. « Mais vous ne maîtrisez guère la
situation et je suis sûr que vous vous en rendez compte, n’est-ce
pas ? »
    Voyant que je ne répondais pas,
il reprit : « Si votre maître voulait peindre un tableau vous
représentant avec Van Ruijven, croyez-vous vraiment que vous seriez en mesure
de refuser ? »
    C’était là une question que je
m’étais posée et à laquelle je n’avais pas trouvé de réponse.
    « Merci de m’avoir rappelé
que je suis sans défense, répliquai-je d’un ton aigre-doux.
    — Avec moi, vous ne le
seriez pas. Nous aurions notre commerce, nous subviendrions à nos besoins, nous
mènerions nos vies comme bon nous semblerait. N’est-ce pas ce que vous
voulez ? »
    Je le regardai, je regardai ses
beaux yeux bleus brillants, ses boucles blondes, son visage passionné. J’étais
une sotte d’hésiter.
    « Je ne suis pas venue

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