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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tracy Chevalier
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repasser ?
    « C’est elle qui est à
l’entrée ? » préférai-je lui demander.
    Frans haussa les épaules et
reprit de la bière. Je revis l’air revêche de la femme. Comment pareil visage
avait-il pu attirer Frans ?
    « D’ailleurs, pourquoi
es-tu là ? demanda-t-il. Ne devrais-tu pas être dans ton Coin des papistes ? »
    J’avais préparé une excuse pour
lui expliquer ma visite, je pensais lui dire qu’une course m’avait amenée dans
ce quartier de Delft, mais mon frère me fit tellement pitié que je me surpris à
lui raconter l’histoire de Van Ruijven et du tableau. C’était pour moi un
soulagement de me confier à lui.
    Il m’écouta avec attention. Mon
récit terminé, il déclara : « Vois-tu, nous ne sommes pas si
différents l’un de l’autre, face à l’intérêt que nous manifestent nos
supérieurs.
    — Seulement moi, je n’ai
pas répondu aux attentes de Van Ruijven, et je n’ai aucune intention d’y
répondre.
    — Je ne te parle pas de
Van Ruijven. » Avant d’ajouter, fine mouche : « Je parle de ton
maître.
    — Mon maître ? Que
veux-tu dire ? » m’écriai-je.
    Frans sourit. « Calme-toi,
Griet, ne te mets pas dans tous tes états !
    — Ça suffit !
Qu’est-ce que tu sous-entends par là ? Il n’a jamais…
    — Il n’a pas à le faire.
Ça saute aux yeux, il n’y a qu’à te regarder. Tu le veux. Tu peux cacher ça à
tes parents et à ton boucher, mais pas à moi. Je te connais mieux que
ça. »
    Oui, il me connaissait mieux
que ça… J’ouvris la bouche mais il n’en sortit rien.
     
    *
     
    Nous étions en décembre et il
faisait froid, mais je marchai d’un si bon pas, inquiète que j’étais pour
Frans, que je regagnai le Coin des papistes bien avant l’heure prévue. Ayant
chaud, je commençai à défaire mes châles pour me rafraîchir le visage. Je
longeais l’Oude Langendijck quand j’aperçus Van Ruijven et mon maître qui se
dirigeaient vers moi. J’inclinai la tête et traversai la rue de façon à me
trouver du côté de mon maître, ce qui ne fit que m’attirer l’attention de Van
Ruijven. Il s’arrêta, forçant mon maître à s’arrêter lui aussi.
    « Salut, la fille aux
grands yeux ! lança-t-il en se tournant vers moi. On m’a raconté que tu
étais sortie. Je crois plutôt que tu m’évites. Dis-moi, ma fille, comment
t’appelles-tu ?
    — Griet, Monsieur »,
répondis-je, les yeux rivés sur les chaussures de mon maître. Elles étaient noires
et lustrées, Maertge les ayant cirées sous ma surveillance, ce jour-là.
    « Ecoute, Griet,
cherches-tu à m’éviter ?
    — Oh ! non, Monsieur,
je suis allée faire les courses. » Je lui montrai un seau rempli des
divers achats que j’avais effectués pour Maria Thins avant ma visite à Frans.
    « Dans ce cas, j’espère te
voir davantage.
    — Oui, Monsieur. »
Deux femmes se tenaient derrière eux. Un coup d’oeil furtif me laissa pressentir
qu’il s’agissait de la fille et de la soeur qui posaient pour le tableau. La
fille me dévisageait.
    « J’espère que vous n’avez
pas oublié votre promesse », dit Van Ruijven à mon maître.
    Mon maître redressa brusquement
la tête, tel un pantin. « Non, répondit-il au bout d’un moment.
    — C’est bien. J’ose
espérer que vous vous y mettrez avant notre prochaine séance de pose. »
    Le sourire de Van Ruijven me
donna froid dans le dos.
    Un long silence s’ensuivit. Je
regardai mon maître. Il s’efforçait de garder son calme, mais je le sentais en
colère.
    « Oui », finit-il par
dire, sans me regarder, les yeux fixés sur la maison d’en face.
    Même si je ne compris pas cette
conversation, je devinai qu’il s’agissait de moi. Je découvris le lendemain le
fin mot de l’affaire.
    Il m’appela à l’atelier dans la
matinée. J’en conclus qu’il voulait que je prépare les couleurs, ayant prévu
d’entreprendre le tableau du concert. Ne le trouvant pas à l’atelier, je montai
tout droit au grenier. Le mortier était vide, rien ne m’attendait. Je
redescendis l’échelle, me sentant plutôt bête.
    Cette fois, il était là. Debout
dans l’atelier, il regardait par la fenêtre.
    « Griet, asseyez-vous, je
vous prie », dit-il, me tournant le dos.
    Je m’assis sur la chaise qui
était près du virginal. Je ne le touchai pas, je n’avais jamais touché
d’instruments de musique, sauf pour les nettoyer. Tout en attendant, j’étudiais
les tableaux

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