La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
celle qui est encore verte ! Fais seller mon cheval sur-le-champ ainsi que le genet blanc que je t’ai acheté il n’y a que vingt-quatre heures, espérant te le voir monter bientôt pour te rendre à l’église de Saint-Jean au milieu des filles et des femmes de la ville, mariée aussi joyeuse qu’on en ait jamais vu passer sur le seuil de la porte de ce saint édifice. Mais à quoi bon tant parler ? dépêche-toi, et n’oublie pas que les saints aident ceux qui sont disposés à s’aider eux-mêmes. Pas un mot de réponse ! obéis-moi ; ce n’est pas le moment d’avoir des volontés. Pendant le calme le pilote souffre qu’un mousse s’amuse avec le gouvernail ; mais, sur mon âme ! quand le vent siffle et que les vagues s’élèvent, il tient la barre lui-même. Retire-toi donc, et point de réplique.
Catherine sortit de la chambre pour exécuter aussi bien qu’elle le put les ordres de son père : car quoique naturellement doux, et aimant passionnément sa fille quoiqu’il souffrit souvent, à ce qu’il paraît, qu’elle fût maîtresse de ses volontés et qu’elle influât même sur les siennes, cependant elle savait qu’il avait coutume d’exiger l’obéissance filiale, et de faire valoir les droits de l’autorité paternelle assez strictement lorsque l’occasion lui semblait demander de maintenir la rigueur de la discipline domestique.
Tandis que la belle Catherine s’occupait à exécuter les ordres de son père et que le bon Glover s’habillait à la hâte, en homme pressé de se mettre en voyage, on entendit dans la rue étroite le bruit de la marche d’un cheval. Le cavalier était enveloppé d’un grand manteau, dont un des pans croisé sur l’autre était relevé de manière à lui couvrir le bas du visage, tandis que sa toque enfoncée sur ses sourcils : et un large panache retombant sur ses yeux en cachaient la partie supérieure. Il sauta à bas de cheval, et Dorothée avait à peine eu le temps de lui répondre que son maître était dans sa chambre à coucher, que l’étranger, montant rapidement l’escalier, entra dans l’appartement de Glover. Simon, surpris et alarmé d’une visite faite de si grand matin, était disposé à voir dans cet inconnu un huissier ou un appariteur arrivant pour l’arrêter lui et sa fille. Il se trouva donc fort soulagé quand l’étranger, ôtant sa toque et baissant le manteau qui lui cachait le bas du visage, lui montra les traits du digne chevalier prévôt de la Belle Ville, visite qui dans tous les temps était une faveur peu ordinaire, mais qui à une telle heure, et dans les circonstances du moment, avait quelque chose de merveilleux ou plutôt d’alarmant.
– Sir Patrice Charteris, s’écria le gantier ; cet honneur accordé à votre humble serviteur…
– Paix, dit le chevalier ; ce n’est pas l’instant de songer à des civilités puériles. Je suis venu, parce que dans les occasions difficiles on ne peut trouver un page plus sûr que soi-même, et je ne puis rester que le temps nécessaire pour vous avertir, bon Simon Glover, qu’il faut que vous preniez la fuite sur-le-champ ; car le conseil doit délivrer aujourd’hui des mandats d’arrêt contre vous et votre fille, comme accusés d’hérésie, et le moindre délai vous coûterait certainement la liberté et peut-être la vie.
– J’en ai entendu dire quelque chose, répondit le gantier, et j’allais partir pour Kinfauns pour vous assurer que cette accusation scandaleuse tombe sur un innocent, demander les avis de Votre Seigneurie et implorer sa protection.
– Votre innocence ne vous sera pas de grande utilité devant des jugés prévenus, ami Simon ; mon avis est donc que vous preniez la fuite et que vous attendiez des temps plus heureux. Quant à ma protection, il faut attendre que le vent change avant qu’elle puisse vous être utile. Le clergé en se liguant avec le duc d’Albany dans une intrigue de cour, et en représentant la décadence de la pureté de la foi catholique comme la seule cause de toutes nos infortunes nationales, a obtenu sur le roi un ascendant qui est irrésistible, du moins dans le moment actuel ; mais si vous pouvez rester caché quelques jours, peut-être quelques semaines, je ne doute guère que pendant cet intervalle ce parti ne reçoive un échec. En attendant cependant, sachez que le roi Robert non-seulement a donné l’ordre général de faire une enquête contre l’hérésie, mais qu’il a confirmé
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