La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
partons sur-le-champ !
En une minute ou deux le père et la fille furent à cheval. Ils partirent, et par le conseil du prévôt, ils se tinrent toujours à une portée de flèche en avant de lui pour ne pas avoir l’air d’être en sa compagnie. Ils franchirent avec quelque hâte la porte de l’Orient, et ils continuèrent à marcher du même train jusqu’à ce qu’ils fussent hors de vue. Sir Patrice les suivait plus lentement ; mais quand les gardes de la ville ne purent plus l’apercevoir, il donna un coup d’éperon à son coursier, et il eut bientôt rejoint Glover et sa fille. La conversation qui s’ensuivit alors jettera du jour sur quelques passages précédens de cette histoire.
CHAPITRE XXVI.
– J’ai imaginé un moyen, dit le prévôt bien intentionné, par lequel je puis vous mettre à l’abri de la méchanceté de vos ennemis pendant une semaine ou deux, car je ne doute guère que d’ici à cette époque il ne survienne de grands changemens à la cour. Mais pour que je puisse mieux juger de ce qu’il convient de faire, dites-moi franchement, Simon, quelle est la nature de vos liaisons avec Gilchrist Mac Ian, et quel motif vous avez pour lui accorder une si entière confiance. Vous observez exactement les ordonnances de la ville, et vous savez qu’elles prononcent des peines très sévères contre les bourgeois qui auraient des relations et des correspondances avec les clans des montagnes.
– C’est la vérité, milord ; mais vous savez aussi que notre profession ne pouvant rien faire sans peaux de daims, de chevreuils, et cuirs de toute espèce, il existe une exception en faveur de ceux qui l’exercent, et qu’il leur a été permis de trafiquer avec ces montagnards, parce que ce sont eux qui peuvent nous fournir le plus aisément les matières premières du commerce que nous faisons, au grand avantage de la ville. C’est ainsi que j’ai conclu avec eux de grandes affaires ; et je puis dire sur mon salut qu’on ne trouverait nulle part des gens exerçant le commerce d’une manière plus juste et plus honorable, ou avec qui il soit plus facile de faire un marché avantageux. J’ai entrepris de mon temps plusieurs voyages bien loin dans leurs montagnes, comptant sur la bonne foi de leurs chefs, et je n’ai jamais vu personne qui tint mieux sa parole, si vous pouvez obtenir qu’ils vous la donnent. Quant au chef du clan de Quhele, Gilchrist Mac Ian, si ce n’est qu’il est un peu trop prompt à employer le fer et le feu contre ceux avec qui il est en querelle, je ne connais pas un homme qui ait plus de justice et de droiture.
– C’est plus que je n’en ai jamais entendu dire, Simon ; et cependant je connais un peu aussi ces bandits montagnards.
– Ils agissent d’une manière différente, et fort différente à l’égard de leurs ennemis, milord, comme Votre Seigneurie doit le comprendre. Quoi qu’il en soit, il m’est arrivé de rendre service à Gilchrist Mac Ian dans une affaire importante. Il y a environ dix-huit ans, le clan de Quhele et celui de Chattan étant en guerre, – et il est rare qu’ils soient en paix, – le premier subit une telle défaite que la famille de son chef Mac Ian fut presque détruite. Sept de ses fils furent tués, soit les armes à la main, soit après le combat ; il fut lui-même obligé de prendre la fuite, et son château fut pris et livré aux flammes. Sa femme alors sur le point d’accoucher s’enfuit dans les bois avec sa fille et un fidèle serviteur. Là, au milieu d’assez de chagrins et d’inquiétudes, elle donna le jour à un fils, mais comme sa malheureuse situation la mettait hors d’état de l’allaiter, il fut nourri du lait d’une biche que le serviteur qui l’avait accompagnée réussit à prendre vivante dans un piége. Quelques mois après ; dans un autre combat entre ces deux clans belliqueux, Mac Ian défit ses ennemis à son tour, et il se revit en possession du canton qu’il avait perdu. Ce fut avec un transport de joie qu’il apprit que sa femme et son fils vivaient encore, ne s’étant jamais attendu à en revoir que les ossemens abandonnés par les loups et les chats sauvages.
Mais un préjugé général et fortement enraciné, tel qu’en conçoivent souvent ces hommes à demi barbares, empêcha leur chef de jouir pleinement du bonheur qu’il avait de voir en sûreté le seul fils qui lui restât. Une ancienne prophétie annonçait que leur clan verrait tomber son pouvoir par
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