La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
car depuis dix jours c’est la première fois que je t’ai entendue parler en femme. – En vérité, Henry, je voudrais que ma fille attendît pour être tout-à-fait sainte le moment où on la canonisera sous le nom de sainte Catherine II.
– Ne plaisantez pas, père Simon ; car je vous jure qu’elle a déjà tout au moins un sincère adorateur, un homme qui s’est voué à son service autant que le peut faire un faible pécheur. – Adieu donc, quant à présent, belle Catherine ; puisse le ciel vous envoyer des songes aussi paisibles que vos pensées de la journée ! Je veillerai sur vous pendant votre repos, et malheur à celui qui oserait l’interrompre !
– Bon et brave Henry, dit Catherine, vous dont l’excellent cœur forme un tel contraste avec votre main cruelle, ne cherchez pas cette nuit quelque nouvelle querelle ; mais recevez mes plus tendres remerciemens, et tâchez d’avoir des pensées aussi paisibles que celles que vous me supposez. Nous nous reverrons ce matin, afin que je puisse vous assurer de ma reconnaissance. Adieu !
– Adieu, vous qui êtes la maîtresse et la lumière de mon cœur, dit l’armurier ; et descendant l’escalier qui conduisait à l’appartement de Catherine, il allait sortir de la maison quand Glover le retint par le bras.
– Grâce au tumulte de cette nuit, le cliquetis de l’acier va me plaire plus que je n’aurais jamais cru, mon fils Henry, s’il rend le bon sens à ma fille et s’il lui apprend ce que tu vaux. Par saint Macgrider ! ces tapageurs eux-mêmes ne me déplaisent pas, et je plains de tout mon cœur ce pauvre amant qui ne tiendra plus un bouclier de la main gauche. Oui, il a perdu ce dont il sentira la perte tous les jours de sa vie, et surtout quand il voudra mettre ses gants. Ce ne sera plus qu’une demi-pratique pour ma profession. – Non, non, tu ne sortiras pas de cette maison cette nuit ; il ne faut pas que tu nous abandonnes, mon fils.
– Je suis bien loin d’y penser. Avec votre permission, je veillerai sur vous dans la rue. L’attaque peut se renouveler.
– Et quand cela serait, tu en aurais plus de facilité pour repousser ces pendards, ayant l’avantage d’être dans la maison. La manière de combattre qui nous convient le mieux à nous autres bourgeois, c’est de faire résistance à l’abri de nos murailles. Notre devoir de veiller à la sûreté publique nous apprend cette tactique. D’ailleurs il y a maintenant assez d’oreilles aux écoutes et d’yeux ouverts pour nous assurer la paix et la tranquillité jusqu’au matin. – Suis-moi par ici.
À ces mots il conduisit Henry, qui ne se fit pas prier beaucoup, dans le même appartement où ils avaient soupé, et où la vieille Dorothée, dont le sommeil avait été également troublé par la scène bruyante qui venait d’avoir lieu, eut bientôt rallumé le feu.
– Et maintenant, mon valeureux fils, dit le gantier, dis-moi quel vin tu veux pour boire à la santé de ton père ?
Henry Smith s’était laissé tomber machinalement sur une chaise de vieux chêne noir, et il avait les yeux fixés sur le feu qui réfléchissait une teinte rougeâtre sur ses traits mâles. Il se dit à lui-même à demi-voix : – Bon Henry, brave Henry ! – Ah ! si elle avait dit cher Henry !
– Je ne connais pas ces sortes de vins, dit le vieux Glover en riant ; il ne s’en trouve pas dans ma cave. Mais si tu veux du vin des Canaries, du Rhin, ou de Gascogne, tu n’as qu’à dire un mot, et le flacon arrivera. Voilà tout.
– Ses plus tendres remerciemens ! dit l’armurier continuant les mêmes réflexions ; elle ne m’en avait jamais dit autant. Ses plus tendres remerciemens ! à quoi cela ne pourrait-il pas s’étendre ?
– Cela s’étendra comme une peau de chevreau, mon garçon, dit le gantier, si tu veux te laisser conduire. Mais dis-moi ce que tu préfères pour ton coup du matin.
– Tout ce que vous voudrez, mon père, répondit Smith nonchalamment ; et il continua son analyse du discours de Catherine. Un excellent cœur ! a-t-elle dit ; mais elle a parlé aussi de ma main cruelle ! Et que faut-il donc que je fasse pour me guérir de cette démangeaison de me battre ? Certainement ce que je pourrais faire de mieux ce serait de me couper la main droite et de la clouer à la porte d’une église, afin qu’elle ne m’attirât plus de reproches.
– Tu as coupé assez de mains pour une nuit, dit Simon en plaçant un
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