La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
flacon de vin sur la table. – Pourquoi te tourmenter ainsi ? Elle t’aimerait une fois plus si elle ne voyait pas que tu raffoles d’elle ; mais cela devient sérieux à présent. Je ne me soucie pas de courir le risque de voir les enragés coupe-jarrets qui sont au service des nobles forcer ma boutique et piller ma maison, parce qu’on trouve bon de l’appeler la Jolie Fille de Perth ; non. Elle saura que je suis son père, et que je veux qu’elle ait pour moi cette obéissance à laquelle la loi de l’Évangile me donne droit. Je prétends qu’elle soit ta femme, Henry, mon cœur d’or ;… ta femme, mon homme de métal, et cela avant qu’il se passe beaucoup de semaines. Allons ! allons ! à tes joyeuses noces, brave Smith !
Simon prit une grande coupe, la vida, et la remplissant de nouveau, la présenta à l’armurier, qui la leva lentement vers sa bouche ; mais avant qu’elle eût touché ses lèvres il la replaça sur la table en secouant la tête.
– Si tu ne veux pas faire raison à une telle santé, je ne sais à qui je dois m’adresser, dit Simon. À quoi penses-tu donc, jeune fou ? ta bonne fortune vient de la placer en quelque sorte en ton pouvoir, car d’un bout de la ville à l’autre tout le monde crierait fi contre elle si elle te disait non ; moi, qui suis son père, non-seulement je consens à tailler ce mariage, mais je veux vous unir ensemble aussi étroitement que jamais aiguille a uni deux morceaux de peau de daim ; et avec tout cela en ta faveur, fortune, père, etc., tu as l’air de l’amant désespéré d’une ballade, et tu sembles plus disposé à te jeter dans le Tay qu’à faire la cour à une jeune fille que tu peux avoir sans autre peine que de la demander, si tu sais seulement choisir le bon moment.
– Oui, mais ce bon moment, père Simon ? je doute que Catherine en ait jamais eu un semblable à donner à la terre et à ceux qui l’habitent, et qu’elle veuille jamais écouter un artisan grossier et ignorant comme moi. Je ne sais comment cela se fait ; partout ailleurs je puis lever la tête aussi bien qu’un autre, mais auprès de votre sainte fille je n’ai ni cœur ni courage, et je ne puis m’empêcher de penser que ce serait comme si je volais dans une église, que de parvenir à surprendre son affection. Ses pensées s’élèvent trop vers le ciel pour qu’elle les fasse tomber sur un être tel que moi.
– Comme il vous plaira, Henry Smith. Ma fille ne vous fait pas la cour ; je ne vous prie pas de l’accepter ;… une belle offre n’est pas une cause de querelle ;… seulement si vous vous imaginez que je donnerai dans ses folles idées de couvent vous vous trompez du tout au tout. J’aime et j’honore l’Église, je paie consciencieusement et volontiers tout ce qui lui est dû : dîmes, aumônes, vin et cire. Je paie tout cela, dis-je, aussi volontiers qu’aucun bourgeois de Perth ; mais je ne puis donner à l’Église l’unique brebis que j’aie au monde. Sa mère m’était bien chère tant qu’elle a été sur la terre ; maintenant c’est un ange dans le ciel ; Catherine est tout ce qui me reste pour me rappeler ce que j’ai perdu ; et si jamais elle entre dans un cloître, ce sera quand les yeux de son vieux père seront fermés pour toujours, et non auparavant. Mais quant à vous mon ami Gow, vous pouvez faire ce qu’il vous plaira. Je n’ai nulle envie de vous faire épouser ma fille de force, je vous en réponds.
– Maintenant voilà que vous battez le fer deux fois, père Simon ; c’est toujours ainsi que nous en finissons. Vous prenez de l’humeur contre moi parce que je ne fais pas ce qui me rendrait l’homme le plus heureux du monde, si cela était en mon pouvoir. S’il coule dans mon cœur une seule goutte de sang qui n’appartienne pas à votre fille plus qu’à moi-même, je veux qu’on y enfonce en ce moment le poignard le plus acéré que j’aie jamais forgé. Mais que voulez-vous ? puis-je avoir pour elle moins d’estime qu’elle n’en mérite, ou m’en faire trop accroire à moi-même ? Ce qui vous paraît si simple et si facile, est aussi malaisé pour moi qu’il le serait de faire un haubert d’acier avec de la filasse. – Mais à votre santé, mon père, continua Smith d’un ton plus enjoué, et à celle de ma belle sainte et de ma Valentine, comme j’espère que votre fille le sera cette année ! Et que je ne vous empêche pas plus long-temps de reposer votre
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