La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
laissez-moi en arrière, je vous prie ; je n’ai pas assez d’audace pour parler devant un chevalier.
– N’importe, voisin, reprit le bailli, il faut que tu viennes avec nous. Toute la ville me regarde encore comme une tête chaude, malgré mes soixante ans ; Simon Glover est la partie offensée ; nous savons tous que Henry Gow détruit plus d’armures avec sa lame qu’il n’en fait avec son marteau, et notre voisin Proudfute, qui d’après lui-même se trouve au commencement et à la fin de toutes les querelles qui ont lieu dans la ville de Perth, est par conséquent un homme prompt à agir. Il nous faut au moins avec nous un avocat de la paix et de la tranquillité, et c’est toi, Dwining, qui dois jouer ce rôle. – Allons, messieurs, mettez vos bottes, préparez vos chevaux. – À cheval, vous dis-je, et nous nous rejoindrons à la porte de l’Orient ! c’est-à-dire, voisins, si c’est votre bon plaisir de nous confier cette mission.
– On ne peut mieux parler ! Nous y consentons tous, s’écrièrent tous les bourgeois. Si le prévôt prend fait et cause pour nous, comme la belle ville a droit de s’y attendre, nous pouvons attacher le grelot au cou du chat ; le plus fier de ces nobles ne nous fera pas peur.
– Eh bien ! voisins, dit le bailli, soit fait comme il vient d’être dit. J’ai convoqué pour cette heure le conseil général de la ville, et comme je vois ici un grand nombre de membres qui ont décidé qu’il fallait avoir recours au prévôt, je ne doute pas que les autres ne partagent la même opinion. Ainsi donc, voisins et braves bourgeois de la belle ville de Perth, à cheval, dis-je encore, et venez me trouver à la porte de l’Orient.
Une acclamation générale termina la séance de cette espèce de conseil privé, et les bourgeois se dispersèrent, les uns pour se préparer à partir, les autres pour aller rendre compte à leurs femmes et à leurs filles impatientes des mesures qu’on venait de prendre pour que leurs chambres fussent désormais à l’abri des entreprises des galans à des heures indues.
Tandis qu’on bride les chevaux, et que le conseil de la ville discute ou plutôt met en forme légale les mesures que les principaux membres de ce corps avaient déjà adoptées, il peut être nécessaire pour l’instruction de quelques lecteurs d’expliquer distinctement certaines choses auxquelles il n’a été fait allusion qu’indirectement dans la discussion qui précède.
À cette époque où la puissance de l’aristocratie féodale méprisait les droits des villes royales d’Écosse et violait souvent leurs priviléges, c’était l’usage que ces villes, quand la chose était praticable, choisissent leur prévôt, c’est-à-dire leur premier magistrat, non parmi les négocians, marchands et citoyens qui habitaient la ville et qui remplissaient les places inférieures de la magistrature, mais parmi les nobles ou barons qui demeuraient dans les environs. On attendait de celui qui était élu à ce poste éminent qu’il fût à la cour le protecteur de la ville dans tout ce qui en concernait les intérêts, qu’il en commandât la milice, soit quand elle servait la couronne dans une guerre, soit quand elle combattait pour quelque querelle particulière de la ville, et qu’il la renforçât de ses propres vassaux. La protection ainsi accordée n’était pas toujours gratuite. Les prévôts profitaient quelquefois de leur dignité jusqu’à en abuser ; ils obtenaient des concessions de terres et de maisons appartenant à la commune, et faisaient ainsi payer fort cher aux citoyens, aux dépens de la propriété publique, les services qu’ils leur rendaient. D’autres se contentaient de recevoir l’assistance des habitans dans leurs propres querelles féodales, avec toute autre marque de respect et de reconnaissance que les villes sur lesquelles ils présidaient étaient disposées à leur accorder pour s’assurer leur coopération active en cas de nécessité. Le baron qui était protecteur régulier d’une ville en recevait sans scrupule ces offrandes volontaires, et en rendait la valeur en défendant les droits de la ville par son éloquence dans le conseil et par ses hauts faits sur le champ de bataille.
Les citoyens de la ville, ou comme ils préféraient la nommer, de la belle ville de Perth, avaient depuis plusieurs générations trouvé un protecteur, un prévôt de cette espèce dans la noble famille des Charteris,
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