La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
éprouvent ou affectent pour les affaires temporelles, le pria de le suivre. L’armurier se mit en marche avec un soupir qui ressemblait à un gémissement, et sans donner une grande attention au chemin qu’il parcourait, il fut précédé par le moine dans un cloître et à travers une poterne que le religieux laissa ouverte après avoir regardé derrière lui. Venait ensuite Louise, qui avait pris à la hâte son petit paquet, avait appelé le fidèle animal compagnon de ses courses lointaines, et fuyait toute troublée un lieu où elle avait couru de si terribles dangers.
CHAPITRE XII.
Le moine les conduisit par un secret passage dans l’église du couvent, dont les portes intérieures ordinairement ouvertes avaient été fermées pendant le tumulte qui venait d’avoir lieu lorsque les séditieux des deux partis essayèrent d’y pénétrer avec d’autres motifs que ceux de la dévotion.
Ils traversèrent les bas-côtés de l’église, dont les sombres voûtes résonnant sous le pas pesant de l’armurier, restaient muettes sous la sandale du moine et le pas plus léger encore de Louise, qui tremblait autant de crainte que de froid. Elle s’apercevait que ni l’un ni l’autre de ses deux conducteurs n’avait pour elle la moindre considération. Le moine était un homme austère, dont les regards annonçaient qu’il éprouvait pour la pauvre fille errante autant d’horreur que de mépris.
L’armurier, quoique le meilleur homme du monde, comme nous l’avons déjà vu, était mécontent de jouer un rôle qui ne lui convenait pas ; il sentait l’impossibilité d’y renoncer, et cette pénible contrariété répandait sur son visage un air grave qui allait jusqu’à la sévérité.
Sa mauvaise humeur retombait naturellement sur la pauvre fille confiée à sa garde ; il se disait intérieurement en regardant la chanteuse avec mépris : – Moi ! un honnête bourgeois ! traverser les rues de Perth avec cette reine des mendians ! Cette jolie comédienne peut aussi bien détruire une réputation que tout le reste de sa confrérie, et me voilà bien avancé si ma galanterie chevaleresque arrive jusqu’aux oreilles de Catherine. Ce sera pis que si j’avais tué un homme, fût-ce le meilleur de Perth ; et par le marteau et les clous ! j’aurais mieux aimé le faire, si j’avais été provoqué par lui, que de conduire cette vagabonde à travers la ville.
Peut-être Louise devina-t-elle la cause de l’inquiétude de Henry, car elle lui dit avec hésitation et timidité : – Digne sire, ne ferais-je pas bien de m’arrêter un instant dans cette chapelle pour mettre mon mantelet ?
– Oh bien ! jeune fille, vous avez raison, répondit Smith. Mais le moine se détourna, levant en même temps la main, comme pour faire un signe d’interdiction.
– La chapelle de saint Madox, dit-il, n’est point un cabinet de toilette pour de vils jongleurs et des vagabonds ; je vais te montrer tout à l’heure un lieu plus convenable aux gens de ton état.
La pauvre fille courba la tête avec humilité, et quitta la porte de la chapelle avec un sentiment profond de sa propre dégradation. Le petit épagneul semblait deviner dans les regards et dans les manières de sa maîtresse qu’ils étaient des intrus dans ce saint lieu. Il baissait les oreilles et balayait les dalles de pierre avec sa queue, en marchant doucement presque sur les talons de Louise.
Le moine ne s’arrêta pas un instant. Ils descendirent quelques marches et traversèrent un labyrinthe de passages souterrains mal éclairés. Comme ils passaient sous la voûte d’une porte basse, le moine se détourna, et dit à Louise d’une voix sévère :
– Ici, fille de la folie, est le cabinet de toilette où beaucoup d’autres avant vous ont déposés leurs vêtemens.
Obéissant au moindre signal avec humilité, Louise poussa la porte pour l’ouvrir, et recula au même instant avec horreur : c’était un charnier moitié rempli d’os et de crânes.
– Je n’ose rester seule en ce lieu, dit-elle ; cependant si vous le commandez, mon père, je dois vous obéir.
– Enfant de la vanité, répondit le moine, ce qui t’effraie ce sont les dépouilles mortelles de ceux qui pendant leur vie ont poursuivi les plaisirs du monde. Et telle tu seras un jour, après toute ta légèreté, tes courses vagabondes, ta coquetterie et tes chansons ; toi et tous les ministres des frivoles plaisirs serez privés de sépulture comme
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