La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
métier ; je le jurerais par saint Ringan.
Au même instant quelque chose toucha le bord de son manteau ; il regarda autour de lui, et vit le petit épagneul qui, comme s’il voulait plaider la cause de sa maîtresse, se dressa sur ses pattes de derrière, et commença à danser, gémissant en même temps et regardant Louise : on eût dit qu’il sollicitait sa compassion pour la jeune fille abandonnée.
– Pauvre bête ! dit l’armurier ; c’est peut-être un rôle que tu joues aussi, car tu répètes ce que l’on t’a appris ; mais enfin puisque j’ai promis de protéger cette créature, je ne dois pas la laisser ainsi évanouie, si elle l’est réellement, ne fût-ce que par humanité.
Henry retourna sur ses pas et s’approcha de Louise. Il fut promptement convaincu par le changement de son visage qu’elle était réellement malade, ou qu’elle poussait le talent de la dissimulation au-delà de l’intelligence d’un homme, et même au-delà de celle d’une femme.
– Jeune fille, dit-il d’une voix plus douce, je vais vous dire franchement la position dans laquelle je me trouve. C’est le jour de Saint-Valentin, et suivant l’usage, je devais le passer avec ma belle Valentine. Mais des coups et des querelles m’ont occupé pendant la matinée, excepté une pauvre demi-heure. Il vous est facile de comprendre où sont mes pensées et mon cœur maintenant, et où je devrais être moi-même, ne fût-ce que par politesse.
La chanteuse l’écouta et parut le comprendre.
– Si vous êtes un amant sincère, lui dit-elle, et si vous avez une chaste Valentine, Dieu préserve qu’un être tel que je suis élève un différent entre vous ! Ne songez plus à moi. Cette grande rivière sera mon guide jusqu’à l’endroit où elle se jette dans l’Océan, et où l’on dit qu’il y a un port de mer. De là je m’embarquerai pour la France, et je reverrai encore une fois ce beau pays, où le plus grossier des paysans ne voudrait pas insulter la plus pauvre des femmes.
– Vous ne pouvez pas aller à Dundee aujourd’hui, dit l’armurier. Les gens de Douglas sont en mouvement des deux côtés de la rivière, car ils connaissent sans doute maintenant la querelle qui a eu lieu ce matin. Aujourd’hui, cette nuit, demain, ils se rassembleront autour de l’étendard de leur chef, comme ceux des hautes-terres autour de la Croix de Feu. Voyez-vous d’ici cinq ou six hommes galopant de l’autre côté de la rivière ? Ce sont des gens d’Annandale ; je les reconnais à la longueur de leurs lances et à la manière dont ils les tiennent. Un Annandale n’incline jamais sa lance en arrière, la pointe en est toujours droite ou dirigée en avant.
– Que puis-je craindre d’eux ? Ce sont des hommes d’armes et des soldats ; ils respecteront ma viole et ma faiblesse.
– Je ne veux point les calomnier. Si vous étiez dans leurs vallées, ils vous accorderaient l’hospitalité et vous n’auriez rien à craindre ; mais ils sont maintenant en campagne, et tout ce qui tombe dans leurs filets est du poisson. Il y en a parmi eux qui attenteraient à votre vie pour la valeur de vos boucles d’oreilles. Leur âme entière est dans leurs yeux lorsqu’ils cherchent une proie, et dans leurs mains quand il faut la saisir. Ils n’ont point d’oreille pour écouter les chants d’une jeune fille, ni les prières de leur victime. Outre cela, ils ont reçu de leur chef un ordre qui vous concerne, et cet ordre est propre à être exécuté. Les grands seigneurs sont obéis plus promptement lorsqu’ils disent : – Brûlez cette église, que lorsqu’ils ordonnent d’en bâtir une.
– Eh bien ! répondit la chanteuse, il vaut mieux que je reste ici pour y mourir.
– Ne parlez point ainsi, reprit l’armurier. Si je peux seulement vous trouver un logement pour cette nuit, je vous conduirai demain aux Escaliers de Notre-Dame, d’où les bateaux descendent la rivière jusqu’à Dundee ; je vous confierai à quelqu’un qui suivra le même chemin, et qui vous trouvera un logement où vous serez bien reçue.
– Homme excellent et généreux, faites ce que vous venez de me dire, et si les prières et les bénédictions d’une infortunée peuvent atteindre jusqu’au ciel, elles s’y élèveront en votre faveur. Nous nous retrouverons à la poterne qui est là-bas, à l’heure où les bateaux quittent le rivage.
– C’est à six heures du matin, le jour est à peine
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