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La lance de Saint Georges

La lance de Saint Georges

Titel: La lance de Saint Georges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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se
trouvaient dans un simple bol de terre cuite recouvert d’un linge blanc et le
vin dans une coupe en argent appartenant au père Ralph. Cette coupe faisait
partie de son mystère. C’était un homme très grand, pieux, et bien trop
instruit pour un simple prêtre de village. On racontait qu’il aurait pu devenir
évêque mais que le diable l’avait persécuté avec de mauvais rêves et, de fait,
il était avéré que pendant les années qui avaient précédé son arrivée à
Hookton, il avait été enfermé dans une cellule de monastère parce qu’il était
possédé par les démons. Puis, en 1334, les démons l’avaient quitté et on
l’avait envoyé à Hookton où il avait terrorisé les villageois par sa façon de
prêcher aux mouettes ou d’arpenter la plage en pleurant sur ses péchés et en se
frappant la poitrine avec des pierres acérées. Il se mettait à hurler comme un
chien lorsque ses fautes pesaient trop lourdement sur sa conscience, mais il
finit par trouver une sorte d’apaisement dans ce village retiré. Il construisit
une grande maison à poutres apparentes, qu’il partageait avec sa gouvernante,
et il se lia d’amitié avec sir Giles Marriott, qui était le seigneur de Hookton
et vivait dans un manoir de pierre à une lieue au nord.
    Sir Giles était, bien entendu, un gentilhomme et il semblait
bien que le père Ralph en fût un aussi, malgré ses cheveux en broussaille et sa
grosse voix. Il possédait des livres qui, après le trésor accroché dans
l’église, constituaient la plus grande merveille de Hookton. Quelquefois, quand
il laissait sa porte ouverte, les gens regardaient bouche bée les dix-sept
volumes reliés de cuir empilés sur une table. La plupart étaient en latin mais
il y en avait quelques-uns en français, la langue maternelle du père Ralph. Non
pas le français de France, mais celui de Normandie, la langue des maîtres de
l’Angleterre, et c’est ainsi que les villageois comprenaient qu’il devait être
de naissance noble, bien que pas un seul n’eût osé le lui demander en face. Ils
avaient tous bien trop peur de lui. Mais lui remplissait son office auprès
d’eux. Il les catéchisait, disait la messe, les mariait, écoutait leurs
confessions, leur donnait l’absolution, les sermonnait et les enterrait, mais
sans s’attarder auprès d’eux. Il marchait seul, l’air sombre, les cheveux en
bataille et les yeux brillants. Malgré tout, les villageois étaient fiers de
lui. Dans la plupart des églises de campagne officiaient des prêtres avec des
faces de pudding, à peine plus instruits que leurs paroissiens. Mais Hookton,
en la personne du père Ralph, possédait un homme cultivé, trop intelligent pour
être sociable, un saint peut-être, probablement de naissance noble, un pécheur
qui reconnaissait ses fautes, un fou sans doute, mais assurément un vrai
prêtre.
    Le père Ralph dit une bénédiction puis avertit les cinq
hommes que Lucifer se mettait en route la nuit de Pâques et qu’il ne désirait
rien tant que dérober le saint sacrement qui se trouvait sur l’autel. Par
conséquent ils devaient surveiller diligemment le pain et le vin. Après le départ
du prêtre, c’est ce qu’ils firent pendant un court moment, consciencieusement
agenouillés et le regard fixé sur le calice qui portait un blason gravé sur son
flanc d’argent. Il représentait un animal portant le Graal et c’était ce signe
de noblesse qui suggérait aux villageois que le père Ralph était véritablement
un homme de haute naissance déchu de son titre après avoir été possédé par les
démons. Le calice d’argent paraissait trembler dans la lumière de deux immenses
cierges qui devaient brûler durant toute cette longue nuit. La plupart des
villages ne pouvaient s’offrir de vrais cierges de Pâques, mais chaque année le
père Ralph en achetait deux aux moines, à Shaftesbury, et les villageois
venaient se faufiler dans l’église pour les contempler. Cependant, ce soir-là,
à la nuit tombée, il n’y avait guère que les cinq hommes pour regarder leurs
flammes immobiles.
    Puis John, un pêcheur, libéra un vent et dit :
    — En voilà un qui est assez parfumé pour tenir le
diable à distance !
    Les quatre autres se mirent à rire. Après quoi, ils
quittèrent les marches du chœur pour s’adosser au mur de la nef. La femme de
John avait préparé un panier avec du pain, du fromage et du poisson fumé tandis
qu’Edward, qui possédait une saline sur

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