La lance de Saint Georges
mais
même quand les Français eurent traversé le rideau de flèches, leurs pertes
furent importantes. Un cavalier qui s’était laissé distancer au cours de la
charge et n’était plus protégé par les autres cavaliers devenait une proie
facile pour les fantassins ; c’est ainsi que la cavalerie française fut
décimée dans la mêlée. Après la bataille, lorsque les Français recherchèrent
l’explication de leur défaite, ils accusèrent les Génois et, dans de nombreuses
villes de France, des mercenaires génois furent massacrés. Mais la véritable
erreur des Français fut d’attaquer précipitamment le samedi après-midi au lieu
d’attendre le dimanche, ce qui leur aurait permis de mieux disposer leur armée.
Puis, ayant décidé d’attaquer, ils le firent sans discipline, si bien que leur
première vague de cavaliers partit trop loin et les restes de cette première
charge firent obstacle à la seconde vague qui avait été mieux conduite.
La disposition des forces anglaises pendant la bataille a
fait l’objet de nombreuses discussions, notamment en ce qui concerne
l’emplacement des archers. La plupart des historiens les situent sur les ailes,
mais j’ai plutôt suivi la suggestion de Robert Hardy en les disposant sur toute
la ligne de bataille aussi bien que sur les ailes. Quand on aborde la question
des arcs, des archers et de leurs exploits, on peut faire entièrement confiance
à M. Hardy.
Au cours de cette guerre, les batailles furent rares, mais
les chevauchées – expéditions destinées à ravager le territoire
ennemi – furent une pratique habituelle. Il s’agissait d’une guerre
économique, équivalent de nos modernes tapis de bombes. Les contemporains, décrivant
la campagne française après le passage d’une chevauchée anglaise, remarquent
que la France était « submergée et foulée aux pieds », qu’elle se
trouvait « au bord de la ruine » et « tourmentée et ravagée par
la guerre ». Il n’était plus question de chevalerie, il y avait peu de
galanterie et moins encore de courtoisie. La France finirait par se redresser
et chasser les Anglais, mais seulement après avoir appris à résister aux
chevauchées et plus encore à affronter les archers anglais (et gallois).
Le terme « grand arc » n’apparaît pas dans le
roman car il ne fut jamais employé au XIV e siècle.
Pour la même raison, Edouard de Woodstock, le prince de Galles, n’est jamais
appelé le Prince Noir, appellation plus tardive. L’arc était simplement un
« arc » ou, peut-être, un « arc de guerre ». On a gaspillé
beaucoup d’encre pour discuter de l’origine du grand arc. Était-il gallois ou
anglais ? Était-ce une invention du Moyen Âge ou bien remontait-il au
néolithique ? Le fait notable, c’est que dans les années qui ont précédé
la guerre de Cent Ans, il est apparu comme une arme de guerre décisive. Ce qui
le rendait si efficace, c’était le nombre d’archers que pouvait comprendre une
troupe. Un ou deux grands arcs pouvaient causer des dommages, des milliers
pouvaient anéantir une armée et, en Europe, seuls les Anglais étaient capables
d’en rassembler un tel nombre. Pourquoi ? Du point de vue technique, l’arc
était on ne peut plus simple ; cependant les autres pays n’avaient pas
d’archers. Une partie de la réponse tient probablement à la grande difficulté
qu’il y avait à devenir un très bon archer. Cela exigeait des années de
pratique quotidienne, et l’habitude de s’entraîner n’était répandue que dans
quelques régions d’Angleterre et du pays de Galles. En Bretagne, de bons archers
ont certainement existé depuis le néolithique (des arcs en if, aussi longs que
ceux utilisés à la bataille de Crécy, ont été retrouvés dans des tombes
néolithiques), mais ils devaient être peu nombreux. Pour une raison ou une
autre, il se trouve que, au Moyen Âge, le tir à l’arc a suscité l’enthousiasme
dans certaines parties de l’Angleterre et du pays de Galles et c’est ainsi que
le grand arc est devenu une arme de guerre largement utilisée. Lorsque cet
enthousiasme a décliné, l’arc a rapidement disparu de l’arsenal anglais. Le bon
sens populaire prétend que l’arc fut remplacé par le fusil, mais il est plus
juste de dire que l’arc a reculé malgré le fusil. Benjamin Franklin, esprit
perspicace, pensait que les Américains auraient gagné plus tôt leur guerre d’indépendance
s’ils avaient eu
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