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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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de
l’église. Ulenspiegel avait raccommodé de son mieux les douze
saints qui se balançaient sur leurs socles entre les bannières des
corporations ; puis venait la statue de Notre-Dame, puis les
filles de la Vierge tout de blanc vêtues et chantant des
cantiques ; puis les archers et arbalétriers ; puis, le
plus proche du dais et se balançant plus que les autres, Pompilius
pliant sous les lourds accoutrements de Monsieur saint Martin.
    Ulenspiegel, s’étant muni de poudre à gratter, avait vêtu
lui-même Pompilius de son costume épiscopal, lui avait mis les
gants et la crosse et enseigné la manière latine de bénir le
peuple. Il avait aussi aidé les prêtres à se vêtir. Aux uns, il
mettait l’étole, aux autres l’aumusse, aux diacres l’aube. Il
courait de ci, de là dans l’église, rétablissant en ses plis un
pourpoint ou un haut-de-chausse. Il admirait et louait les armes
bien fourbies des arbalétriers et les arcs redoutables de la
confrérie des archers. Et à chacun il versait sur la fraise, le dos
ou le poignet une pincée de poudre à gratter. Mais le doyen et les
quatre porteurs de saint Martin furent ceux qui en eurent le plus.
Quant aux filles de la Vierge, il les épargna en considération de
leur grâce mignonne.
    La procession sortit bannières au vent, enseignes déployées dans
un bel ordre. Hommes et femmes se signaient en la voyant passer. Et
le soleil luisait chaud.
    Le doyen fut le premier qui sentit l’effet de la poudre et se
gratta un peu derrière l’oreille. Tous, prêtres, archers,
arbalétriers se grattaient le cou, les jambes, les poignets, sans
oser encore le faire ouvertement. Les quatre porteurs se grattaient
aussi, mais le sonneur, plus démangé que les autres, car il était
plus exposé à l’ardent soleil, n’osait pas seulement remuer de peur
d’être bouilli vif. Pinçant le nez, il faisait une laide grimace et
il tremblait sur ses jambes flageolantes, car il manquait de tomber
chaque fois que les porteurs se grattaient.
    Mais il n’osait bouger, et de peur, laissait aller ses eaux, et
les porteurs disaient :
    – Grand saint Martin, va-t-il pleuvoir maintenant ?
    Les prêtres chantaient un hymne à Notre-Dame,
    Si de coe… coe… coe… lo descenderes
    Ô sanc… ta… ta… ta… Ma… ma… ria.
    Car leurs voix tremblaient à cause de la démangeaison, qui
devenait excessive ; mais ils se grattaient modestement. Le
doyen et les quatre porteurs de saint Martin avaient toutefois le
cou et les poignets en pièces. Pompilius se tenait coi, flageolant
sur ses pauvres jambes, qui étaient le plus démangées.
    Mais voilà soudain tous les arbalétriers, archers, diacres,
prêtres, doyen et les porteurs de saint Martin de s’arrêter pour se
gratter. La poudre démangeait aux plantes des pieds de Pompilius
mais il n’osait bouger de peur de tomber.
    Et les curieux disaient que saint Martin roulait des yeux bien
farouches et faisait une mine bien menaçante au pauvre
populaire.
    Puis le doyen fit de nouveau marcher la procession.
    Bientôt le chaud soleil qui tombait d’aplomb sur tout ces dos et
ces bedaines processionnels rendit intolérable l’effet de la
poudre.
    Et alors, prêtres, archers, arbalétriers, diacres et doyen
furent vus comme une troupe de singes s’arrêtant et se grattant
sans pudeur partout où il leur démangeait.
    Les filles de la Vierge chantaient leur hymne et c’étaient comme
des chants d’ange, toutes ces fraîches voix montant vers le
ciel.
    Tous, au demeurant, s’en furent où ils pouvaient : le
doyen, tout en se grattant, sauva le Saint-Sacrement ; le
peuple pieux transporta les reliques dans l’église ; les
quatre porteurs de saint Martin jetèrent rudement Pompilius par
terre. La, n’osant se gratter, remuer ni parler, le pauvre sonneur
fermait les yeux dévotement.
    Deux jeunes garçonnets le voulurent emporter, mais le trouvant
trop lourd, ils le mirent tout droit contre un mur, et là,
Pompilius pleura de grosses larmes.
    Le populaire s’assemblait autour de lui ; les femmes
étaient allées chercher des mouchoirs de toile fine et blanche et
lui essuyaient le visage pour conserver ses larmes comme des
reliques et lui disaient : « Monseigneur, comme vous avez
chaud ! »
    Le sonneur les regardait lamentablement et faisait du nez,
malgré lui, des grimaces.
    Mais comme les larmes coulaient à flots de ses yeux, les femmes
disaient :
    – Grand saint Martin, pleurez-vous sur les péchés de la

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