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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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morts !
    Battez le tambour de guerre. Vive le Gueux !
    Christ regarde d’en haut tes soldats,
    Risquant le feu, la corde,
    Le glaive pour ta parole.
    Ils veulent la délivrance de la terre des pères.
    Slaet op den trommele van dirre dom deyne.
    Battez le tambour de guerre. Vive le Gueux !
    Et tous de boire et de crier :
    – Vive le Gueux !
    Et Ulenspiegel, buvant dans le hanap doré d’un moine, regardait
avec fierté les faces vaillantes des Gueux Sauvages.
    – Hommes fauves, dit-il, vous êtes loups, lions et tigres.
Mangez les chiens du roi de sang.
    – Vive le Gueux ! dirent-ils chantant :
    Slaet op den trommele van dirre dom deyne,
    Slaet op den trommele van dirre dom dom :
    Battez le tambour de guerre. Vive le Gueux !

VI
     
    Ulenspiegel, étant à Ypres, recrutait des soldats pour le
prince : poursuivi par les happe-chair du duc, il se présenta
comme bedeau chez le prévôt de Saint-Martin. Il y eut pour
compagnon un sonneur nommé Pompilius Numan, couard de haute futaie
qui, la nuit, prenait son ombre pour le diable et sa chemise pour
un fantôme.
    Le prévôt était gras et dodu comme une poularde engraissée à
point pour la broche. Ulenspiegel vit bientôt quelle herbe il
paissait pour se faire ainsi tant de lard. Selon qu’il l’apprit du
sonneur et le vit de ses yeux, le prévôt dînait à neuf heures et
soupait à quatre. Il restait au lit jusqu’à huit heures et
demie ; puis, avant le dîner, s’allait promener dans son
église, voir si les troncs des pauvres étaient bien remplis. Et il
en mettait la moitié dans son escarcelle. À neuf heures, il dînait
d’une jatte de lait, d’un demi-gigot, d’un petit pâte de héron et
vidait cinq hanaps de vin de Bruxelles. À dix heures, suçant
quelques pruneaux et les arrosant de vin d’Orléans, il priait Dieu
de ne l’induire jamais en gloutonnerie. À midi, il croquait, pour
passer le temps, une aile et un croupion de volaille. À une heure,
songeant à son souper, il vidait un grand coup de vin
d’Espagne ; puis, s’étendant sur son lit, s’y rafraîchissait
d’un petit somme.
    Se réveillant, il mangeait un peu de saumon salé pour s’aiguiser
l’appétit et vidait un grand hanap de
dobbel-knol
d’Anvers. Puis il descendait dans la cuisine, s’asseyait devant la
cheminée et le beau feu de bois qui y flambait. Il y regardait
rôtir et brunir pour les moines de l’abbaye une grosse pièce de
veau ou un petit cochon bien échaudé, qu’il eût mangé plus
volontiers qu’une miche de pain. Mais l’appétit lui manquait un
peu. Et il contemplait la broche qui tournait toute seule comme par
merveille. C’était l’œuvre de Pieter van Steenkiste, forgeron,
demeurant en la châtellenie de Courtrai. Le prévôt lui paya une de
ces broches quinze livres parisis.
    Puis il remontait dans son lit et s’y assoupissant à cause de la
fatigue, il se réveillait vers deux heures pour gober un peu de
gelée de cochon arrosée de vin de Romagne à deux cent quarante
florins la pièce. À trois heures, il mangeait un oisillon au sucre
de Madère et vidait deux verres de malvoisie à dix-sept florins le
barillet. À trois heures et demie, il prenait la moitié d’un pot de
confiture et l’arrosait d’hydromel. Bien éveillé alors, il prenait
l’un de ses pieds dans ses mains et se reposait pensif.
    Le moment de souper étant venu, le curé de Saint-Jean venait
souvent lui faire visite à cette heure succulente. Ils se
disputaient parfois à qui mangerait le plus de poisson, de
volaille, de gibier et de viande. Le plus vite rempli devait payer
à l’autre un plat de carbonnades aux trois vins chauds, aux quatre
épices et aux sept légumes.
    Ainsi buvant et mangeant, ils causaient ensemble des hérétiques,
étant d’avis au demeurant qu’on n’en pouvait assez détruire. Aussi
ne se prenaient-ils jamais de querelle, le cas excepté où ils
discutaient des trente-neuf façons de faire de bonnes soupes à la
bière.
    Puis, penchant leurs têtes vénérables sur leurs bedaines
sacerdotales, ils ronflaient. Parfois se réveillant à demi, l’un
d’eux disait que la vie est chose bien douce en ce monde et que les
pauvres gens ont tort de se plaindre.
    Ce fut de ce saint homme qu’Ulenspiegel devint le bedeau. Il le
servait très bien à la messe, non sans emplir trois fois les
burettes, deux fois pour lui et une fois pour le prévôt. Le sonneur
Pompilius Numan l’y aidait à l’occasion.
    Ulenspiegel, qui voyait

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