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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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J’espère
cependant que monsieur saint Remacle voudra bien agir
miséricordieusement. Suis-moi.
    Ulenspiegel suivit le doyen et entra dans l’église. Les bossus,
marchant derrière lui, criaient :
    – Voici le maudit ! Voici le blasphémateur ! Combien
pèse-t-elle, ta bosse fraîche ? En feras-tu un sac pour y
mettre tes patacons ? Tu t’es moqué de nous toute ta vie,
parce que tu étais droit ; c’est notre tour maintenant. Gloire
à monsieur saint Remacle !
    Ulenspiegel, ne sonnant mot, courbant la tête, suivant toujours
le doyen, entra dans une petite chapelle où se trouvait un tombeau
tout en marbre, couvert d’une grande table qui était de marbre
pareillement. Il n’y avait pas entre le tombeau et le mur de la
chapelle la longueur d’une grande main étendue. Une foule de
pèlerins bossus, se suivant à la file, passaient entre le mur et la
table du tombeau, à laquelle ils se frottaient leurs bosses
silencieusement. Et ils espéraient ainsi en être délivrés. Et ceux
qui frottaient leurs bosses ne voulaient point faire place à ceux
qui ne l’avaient pas encore frottée, et ils s’entre-battaient, mais
sans bruit, n’osant frapper que des coups sournois, coups de
bossus, à cause de la sainteté du lieu.
    Le doyen dit à Ulenspiegel de monter sur la table du tombeau
afin que tous les pèlerins le pussent bien voir. Ulenspiegel
répondit :
    – Je ne le puis tout seul.
    Le doyen l’y aida et se plaça près de lui en lui commandant de
s’agenouiller. Ulenspiegel le fit et demeura en cette posture, la
tête basse.
    Le doyen alors, s’étant recueilli, prêcha et dit d’une voix
sonore :
    – Fils et frères en Jésus-Christ, vous voyez à mes pieds le plus
grand impie, vaurien et blasphémateur que monsieur saint Remacle
ait jamais frappé de sa colère.
    Et Ulenspiegel se frappant la poitrine, disait :
    –
Confiteor
.
    – Jadis, poursuivit le doyen, il était droit comme une hampe de
hallebarde, et s’en glorifiait. Voyez-le maintenant, bossu et
courbé sous le coup de la malédiction céleste.
    –
Confiteor
, ôtez ma bosse, disait Ulenspiegel.
    – Oui, poursuivit le doyen, oui grand saint, Monsieur saint
Remacle, qui, depuis votre mort glorieuse, fîtes trente et neuf
miracles, ôtez de ses épaules le poids qui y pèse. Et
puissions-nous, pour ce, chanter vos louanges dans les siècles des
siècles,
in soecula soeculorum
. Et paix sur la terre aux
bossus de bonne volonté.
    Et les bossus de dire en chœur :
    – Oui, oui, paix sur la terre aux bossus de bonne volonté :
paix de bosses, trêve de contrefaits, amnistie d’humiliations. Ôtez
nos bosses, Monsieur saint Remacle !
    Le doyen commanda à Ulenspiegel de descendre du tombeau et de se
frotter la bosse contre le bord de la table. Ulenspiegel le fut,
disant toujours « 
mea culpa, confiteor
, ôtez ma
bosse ». Et il la frottait très bien au vu et su des
assistants.
    Et ceux-ci de crier :
    – Voyez-vous la bosse, elle plie ! voyez-vous, elle
cède ! elle va fondre à droite. – Non, elle rentrera dans la
poitrine, les bosses ne se fondent pas, elles descendent dans les
intestins d’où elles sortent. – Non, elles rentrent dans l’estomac
où elles servent de nourriture pour quatre-vingts jours. – C’est le
cadeau du saint aux bossus débarrassés. – Où vont les vieilles
bosses ?
    Soudain tous les bossus jetèrent un grand cri, car Ulenspiegel
venait de crever sa bosse en s’appuyant lourdement sur le bord de
la table du tombeau. Tout le sang qui était dedans tomba, coulant
de son pourpoint, à grosses gouttes, sur les dalles. Et il s’écria,
se redressant en étendant les bras :
    – Je suis débarrassé !
    Et tous les bossus de s’écrier ensemble :
    – Monsieur saint Remacle le bénit, c’est doux à lui, dur à nous.
– Monsieur, ôtez nos bosses ! – Moi, je vous offrirai un veau.
– Moi, sept moutons. – Moi, la chasse de l’année. – Moi, six
jambons. – Moi, je donne ma chaumine à l’église. – Ôtez nos bosses,
Monsieur saint Remacle !
    – Et ils regardaient Ulenspiegel avec envie et respect. Il y en
eut un qui voulut tâter sous son pourpoint, mais le doyen lui
dit :
    – Là est une plaie qui ne peut voir la lumière.
    – Je prierai pour vous, dit Ulenspiegel.
    – Oui, pèlerin, disaient les bossus parlant tous ensemble, oui,
monsieur le redressé, nous nous sommes gaussés de vous,
pardonnez-le nous, nous ne savions ce que nous faisions.
Monseigneur

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