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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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l’effort des combattants. Chaque fois
qu’Ulenspiegel voyait s’y dessiner quelque forme ronde, il piquait
dedans avec une aiguille. C’était alors de plus grands cris sous la
toile et une plus grande distribution de horions.
    Et il était bien joyeux, mais il le fut davantage en voyant le
baudet qui s’enfuyait traînant derrière lui toile, baquet et pieux
tandis que le
baes
de la tente, sa femme et sa fille
s’accrochaient au bagage. L’âne, qui ne pouvait plus courir, levait
le mufle en l’air et ne cessait de chanter que pour regarder sous
sa queue si le feu qui y brûlait n’allait point s’éteindre
bientôt.
    Cependant les dévôts continuaient leur bataille, les moines sans
songer à eux, ramassaient l’argent tombé des plateaux et
Ulenspiegel les y aidait, non sans profit, dévotement.

XVIII
     
    Tandis que croissait en gaie malice le fils vaurien du
charbonnier, végétait en maigre mélancolie le rejeton dolent du
sublime empereur. Dames et seigneurs le voyaient marmiteux traîner,
par les chambres et corridors de Valladolid, son corps frêle et ses
jambes branlantes portant avec peine le poids de sa grosse tête,
coiffée de blonds et roides cheveux.
    Sans cesse cherchant les corridors noirs, il y restait assis des
heures entières en étendant les jambes. Si quelque valet lui
marchait dessus par mégarde, il le faisait fouetter et prenait son
plaisir à l’entendre crier sous les coups, mais il ne riait
point.
    Le lendemain, allant tendre ailleurs ces mêmes pièges, il
s’asseyait derechef en quelque corridor, les jambes étendues. Les
dames, seigneurs et pages qui y passaient en courant ou autrement
se heurtaient à lui, tombaient et se blessaient. Il y prenait aussi
son plaisir, mais il ne riait point.
    Quand l’un d’eux l’ayant cogné ne tombait point, il criait comme
si on l’eût frappé, et il était aise en voyant leur effroi, mais il
ne riait point.
    Sa Sainte Majesté fut avertie de ces façons de faire et manda
qu’on ne prit point garde à l’infant, disant que, s’il ne voulait
pas qu’on lui marchât sur les jambes, il ne devait point les mettre
là où couraient les pieds.
    Cela déplut à Philippe, mais il n’en dit rien, et on ne le vit
plus, sinon quand, par un clair jour d’été, il allait chauffer au
soleil, dans la cour, son corps frissonnant.
    Un jour, Charles, revenant de guerre, le vit ainsi brassant
mélancolie :
    – Mon fils, lui dit-il, que tu diffères de moi ! À ton âge,
j’aimais à grimper sur les arbres pour y poursuivre les
écureuils ; je me faisais, en m’aidant d’une corde, descendre
de quelque rocher à pic pour aller dans leur nid dénicher les
aiglons. Je pouvais à ce jeu laisser mes os ; ils n’en
devinrent que plus durs. À la chasse, les fauves s’enfuyaient dans
les fourrés quand ils me voyaient venir armé de ma bonne
arquebuse.
    – Ah ! soupira l’infant, j’ai mal au ventre, monseigneur
père.
    – Le vin de Paxarète, dit Charles, y est un remède
souverain.
    – Je n’aime point le vin ; j’ai mal de tête, monseigneur
père.
    – Mon fils, dit Charles, il faut courir, sauter et gambader
ainsi que font les enfants de ton âge.
    – J’ai les jambes roides, monseigneur père.
    – Comment, dit Charles, en serait-il autrement si tu ne t’en
sers pas plus que si elles étaient de bois ? Je te vais faire
attacher sur quelque cheval bien ingambe.
    L’infant pleura.
    – Ne m’attachez pas, dit-il, j’ai mal aux reins, monseigneur
père.
    – Mais, dit Charles, tu as donc mal partout ?
    – Je ne souffrirais point si on me laissait en repos, répondit
l’infant.
    – Penses-tu, repartit l’empereur impatient, passer ta vie royale
à rêvasser comme clercs ? À ceux-là s’il faut, pour tacher
d’encre leurs parchemins, le silence, la solitude et le
recueillement ; à toi, fils du glaive, il faut un sang chaud,
l’œil d’un lynx, la ruse du renard, la force d’Hercule. Pourquoi te
signes-tu ? Sangdieu ! ce n’est pas à un lionceau à
singer les femelles égreneuses de patenôtres.
    – L’Angelus, monseigneur père, répondit l’infant.

XIX
     
    Les mois de mai et de juin furent, en cette année, les vrais
mois des fleurs. Jamais on ne vit en Flandre de si embaumantes
aubépines, jamais dans les jardins tant de roses, de jasmins et de
chèvrefeuilles. Quand le vent soufflant d’Angleterre chassait vers
l’orient les vapeurs de cette terre fleurie, chacun, et notamment à
Anvers, levant

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