Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
Vom Netzwerk:
cria-t-elle ensuite. À boire ! À
boire ! la tête brûle. Dieu et les anges mangent des pommes
dans le ciel.
    Et elle perdit connaissance.
    – Détachez-la du banc de torture, dit le bailli.
    Le bourreau et ses aides obéirent. Et elle fut vue chancelante
et les pieds gonflés, car le bourreau avait serré trop fort les
cordes.
    – Donnez-lui à boire, dit le bailli.
    Il lui fut donné de l’eau fraîche, qu’elle avala avidement,
tenant le gobelet dans les dents comme un chien fait d’un os, et ne
le voulant point lâcher. Puis on lui donna encore de l’eau, et elle
voulut aller en porter à Joos Damman, mais le bourreau lui ôta le
gobelet des mains. Et elle tomba endormie comme une masse de
plomb.
    Joos Damman s’écria alors furieusement :
    – Moi aussi, j’ai soif et sommeil. Pourquoi lui donnez-vous a
boire ? Pourquoi la laissez-vous dormir ?
    – Elle est faible, femme et folle, répondit le bailli.
    – Sa folie est un jeu, dit Joos Damman, elle est sorcière. Je
veux boire, Je veux dormir !
    Et il ferma les yeux, mais les
knechts
du bourreau le
frappèrent au visage.
    – Donnez-moi un couteau, cria-t-il, que je coupe en morceaux ces
manants : je suis noble homme, et n’ai jamais été frappé au
visage. De l’eau, laissez-moi dormir, je suis innocent. Ce n’est
point moi qui a pris les sept cents carolus, c’est Hilbert. À
boire ! Je ne commis jamais de sorcelleries ni d’incantations.
Je suis innocent, laissez-moi. À boire !
    Le bailli alors :
    – À quoi, demanda-t-il, passais-tu le temps depuis que tu
quittas Katheline ?
    – Je ne connais point Katheline, je ne l’ai point quittée,
dit-il. Vous m’interrogez sur des faits étrangers à la cause. Je ne
vous dois point répondre. À boire, laissez-moi dormir. Je vous dis
que c’est Hilbert qui a tout fait.
    – Déliez-le, dit le bailli. Ramenez-le en sa prison. Mais qu’il
ait soif et ne dorme point jusqu’à ce qu’il ait avoué ses
sorcelleries et incantations.
    Et ce fut à Damman une cruelle torture. Il criait en sa
prison : À boire ! à boire ! si haut que le peuple
l’entendait, mais sans nulle pitié. Et quand, tombant de sommeil,
ses gardiens le frappaient au visage, il était comme tigre et
criait :
    – Je suis noble homme et vous tuerai, manants. J’irai au roi,
notre chef. À boire !
    Mais il n’avoua rien et on le laissa.

VI
     
    On était pour lors en mai, le tilleul de justice était vert,
verts aussi étaient les bancs de gazon sur lesquels s’assirent les
juges ; Nele fut appelée en témoignage. Ce jour-là devait être
prononcée la sentence.
    Et le peuple, hommes, femmes, bourgeois et manouvriers se
tenaient tout autour dans le champ ; et le soleil luisait
clair.
    Katheline et Joos Damman furent amenés devant le tribunal ;
et Damman paraissait plus blême à cause de la torture de la soif et
des nuits passées sans sommeil.
    Katheline, qui ne se savait tenir sur ses jambes branlantes,
montrant le soleil, disait :
    – Ôtez le feu, la tête brûle !
    Et elle regardait avec tendre amour Joos Damman.
    Et celui-ci la regardait avec haine et mépris.
    Et les seigneurs et gentilshommes ses amis, ayant été appelés à
Damme, étaient tous présents, comme témoins, devant le
tribunal.
    Le bailli alors parla et dit :
    – Nele, la fillette qui défend sa mère Katheline avec si grande
et brave affection, a trouvé dans la poche cousue à la cotte
d’icelle, cotte de fête, un billet signé Joos Damman. Parmi les
dépouilles du cadavre d’Hilbert Ryvish, je trouvai en la gibecière
du mort une autre lettre à lui adressée par le dit Joos Damman,
accusé présent devant nous. Je les ai toutes deux gardées par
devers moi, afin qu’au moment opportun, qui est celui-ci, vous
puissiez juger l’obstination de cet homme et l’absoudre ou
condamner suivant le droit et la justice. Ici est le parchemin
trouvé dans la gibecière ; je n’y touchai point et ne sais
s’il est ou non lisible.
    Les juges furent alors dans une grande perplexité.
    Le bailli essaya de défaire la boule de parchemin ; mais ce
fut vainement. Et Joos Damman riait.
    Un échevin dit :
    – Mettons la boule dans l’eau et ensuite devant le feu. S’il s’y
trouve quelque mystère d’adhérence, le feu et l’eau le
résoudront.
    L’eau fut apportée, le bourreau alluma un grand feu de bois dans
le champ ; la fumée montait bleue dans le ciel clair, à
travers les branches verdoyantes du tilleul de

Weitere Kostenlose Bücher