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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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dit :
    – Cet homme est le mien ; je le prends pour mari.
    Et le peuple d’applaudir, et les femmes de crier :
    – Vive, vive la fillette qui sauve Ulenspiegel !
    – Qu’est-ce ceci ? demanda messire de Lumey.
    Très-Long répondit :
    – D’après les us et coutumes de la ville, il est de droit et loi
qu’une jeune fille pucelle ou non mariée sauve un homme de la corde
en le prenant pour mari au pied de la potence.
    – Dieu est avec lui, dit de Lumey ; déliez-le.
    Chevauchant alors près de l’échafaud, il vit la fillette
empêchée à couper les cordes d’Ulenspiegel et le bourreau voulant
s’opposer à son dessein et disant :
    – Si vous les coupez, qui les payera ?
    Mais la fillette ne l’écoutait point.
    La voyant si preste amoureuse et subtile, il fut attendri.
    – Qui es-tu ? dit-il.
    – Je suis Nele, sa fiancée, dit-elle, et je viens de Flandre
pour le chercher.
    – Tu fis bien, dit de Lumey d’un ton rogue.
    Et il s’en fut.
    Très-Long alors s’approchant :
    – Petit Flamand, dit-il, une fois marié, seras-tu encore soudard
en nos navires ?
    – Oui, messire, répondit Ulenspiegel.
    – Et toi, fillette, que feras-tu sans ton homme ?
    Nele répondit :
    – Si vous le voulez, messire, je serai fifre en son navire.
    – Je le veux, dit Très-Long.
    Et il lui donna deux florins pour les noces.
    Et Lamme, pleurant et riant d’aise, disait :
    – Voici encore trois florins : nous mangerons tout ;
c’est moi qui paie. Allons au
Peigne-d’Or
. Il n’est pas
mort, mon ami. Vive le Gueux !
    Et le peuple applaudissait, et ils s’en furent au
Peigne-d’Or
, où un grand festin fut commandé ; et
Lamme jetait des deniers au populaire par les fenêtres.
    Et Ulenspiegel disait à Nele :
    – Mignonne aimée, te voilà donc près de moi ! Noël !
elle est ici, chair, cœur et âme, ma douce amie. Oh ! les yeux
doux et les belles lèvres rouges d’où il ne sortit jamais que de
bonnes paroles ! Elle me sauva la vie, la tendre aimée !
Tu joueras sur nos navires le fifre de délivrance. Te souvient-il…
mais non… À nous est l’heure présente de liesse, et à moi ton
visage doux comme fleurs de juin. Je suis en paradis. Mais, dit-il,
tu pleures.
    – Ils l’ont tuée, dit-elle.
    Et elle lui conta l’histoire de deuil.
    Et, se regardant l’un l’autre, ils pleurèrent d’amour et de
douleur.
    Et au festin ils burent et mangèrent et Lamme les regardait
dolent, disant :
    – Las ! ma femme, où es-tu ?
    Et le prêtre vint et maria Nele et Ulenspiegel.
    Et le soleil du matin les trouva l’un près de l’autre dans leur
lit d’épousailles.
    Et Nele reposait sa tête sur l’épaule d’Ulenspiegel. Et quand
elle s’éveilla au soleil, il dit :
    – Frais visage et doux cœur, nous serons les vengeurs de
Flandre.
    Elle, le baisant sur la bouche :
    – Tête folle et bras forts, dit-elle, Dieu bénira le fifre et
l’épée.
    – Je te ferai un costume de soudard.
    – Tout de suite ? dit-elle.
    – Tout de suite, répondit Ulenspiegel ; mais qui dit qu’au
matin les fraises sont bonnes ? Ta bouche est bien
meilleure.

IX
     
    Ulenspiegel, Lamme et Nele avaient, comme leurs amis et
compagnons, repris aux couvents le bien gagné par ceux-ci sur le
populaire à l’aide de processions, de faux miracles et autres
momeries romaines. Ce fut contre l’ordre du Taiseux, prince de
liberté, mais l’argent servait aux frais de la guerre. Lamme
Goedzak, non content de se pourvoir de monnaie, pillait dans les
couvents les jambons, saucissons, flacons de bière et de vin, et en
revenait volontiers portant sur la poitrine un baudrier de
volailles, oies, dindes, chapons, poules et poulets, et traînant
par une corde derrière lui quelques veaux et porcs monastiques. Et
ce par droit de guerre, disait-il.
    Bien aise à chaque prise, il l’apportait au navire pour qu’on en
fît noces et festins, mais se plaignait toutefois que le
maitre-queux fût si ignorant ès-sciences de sauces et de
fricassées.
    Or, ce jour-là, les Gueux, ayant humé le piot victorieusement,
dirent à Ulenspiegel :
    – Tu as toujours le nez au vent pour flairer les nouvelles de la
terre ferme, tu connais toutes les aventures de guerre :
chante-les-nous. Cependant Lamme battra le tambour et le fifre
mignon glapira à la mesure de ta chanson.
    Et Ulenspiegel dit :
    – Un jour de mai clair et frais, Ludwig de Nassau, croyant
entrer à Mons, ne trouve point ses piétons ni ses

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