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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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qu’ils
laissent passer sûrement, etc. »
    De Lumey, frappant du poing sur la table et déchirant le
passeport :
    – Sang-Dieu ! dit-il, de quoi se mêle-t-il, ce Marin, ce
guenillard, qui n’avait pas, avant la prise de la Briele, une arête
de hareng-saur à se mettre sous la dent ? Il s’intitule
monseigneur et maître, et il m’envoie à moi des ordres ! il
mande et ordonne ! Dis à ton maître que puisqu’il est si
capitaine et si monseigneur, si bien mandant et commandant, les
moines seront pendus haut et court tout de suite, et toi avec eux
si tu ne trousses ton bagage.
    Et, lui baillant un coup de pied, il le fit sortir de la
salle.
    – À boire, cria-t-il. Avez-vous vu l’outrecuidance de ce
Marin ? Je cracherais mon repas tant je suis furieux. Qu’on
pende les moines dans leur grange incontinent, et qu’on m’amène le
Flamand pourmeneur, après qu’il aura assisté à leur supplice. Nous
verrons bien s’il osera me dire que j’ai mal fait. Sang-Dieu !
qu’a-t-on encore besoin ici de pots et de verres ?
    Et il brisa avec grand bruit les coupes et la vaisselle, et nul
n’osait lui parler. Les valets voulurent en ramasser les débris, et
il ne le permit point et buvant à même les flacons sans mesure, il
s’enrageait davantage, marchait à grands pas, écrasant les morceaux
et les piétinant furieusement.
    Ulenspiegel fut amené devant lui.
    – Eh bien ! lui dit-il, apportes-tu des nouvelles de tes
amis les moines ?
    – Ils sont pendus, dit Ulenspiegel ; et un lâche bourreau,
tuant par intérêt, a ouvert après la mort le ventre et les côtés de
l’un d’eux comme à un porc éventré, pour en vendre la graisse à un
apothicaire. Parole de soldat n’est plus parole d’or.
    De Lumey, piétinant les débris de la vaisselle :
    – Tu me braves, dit-il, vaurien de quatre pieds, mais toi aussi
tu seras pendu, non dans une grange, mais ignominieusement sur la
place, vis-à-vis de tout le monde.
    – Honte sur vous, dit Ulenspiegel, honte sur nous : parole
de soldat n’est plus parole d’or.
    – Te tairas-tu, tête de fer ! dit messire de Lumey.
    – Honte sur toi, dit Ulenspiegel, parole de soldat n’est plus
parole d’or. Punis plutôt les vauriens marchands de graisse
humaine.
    Messire de Lumey alors, se précipitant sur lui, leva la main
pour le frapper.
    – Frappe, dit Ulenspiegel ; je suis ton prisonnier, mais je
n’ai nulle peur de toi : parole de soldat n’est plus parole
d’or.
    Messire de Lumey tira alors son épée, et en eût certes tué
Ulenspiegel si messire de Très-Long, lui arrêtant le bras, ne lui
eût dit :
    – Aie pitié ! il est brave et vaillant, il n’a commis nul
crime.
    De Lumey alors se ravisant :
    – Qu’il demande pardon, dit-il.
    Mais Ulenspiegel, restant debout :
    – Je ne le ferai point, dit-il.
    – Qu’il dise au moins que je n’ai pas eu tort, s’écria de Lumey,
s’enrageant.
    Ulenspiegel répondit :
    – Je ne lèche point les bottines des seigneurs : parole de
soldat n’est plus parole d’or.
    – Qu’on dresse la potence, dit de Lumey, et qu’on l’emmène, ce
lui sera parole de chanvre.
    – Oui, dit Ulenspiegel, et je te crierai devant tout le
peuple : Parole de soldat n’est plus parole d’or !
    La potence fut dressée sur le Grand-Marché. La nouvelle courut
bientôt par la ville que l’on allait pendre Ulenspiegel, le Gueux
vaillant. Et le populaire fut ému de pitié et miséricorde. Et il
accourut en foule au Grand-Marché ; messire de Lumey y vint
aussi à cheval, voulant lui-même donner le signal de
l’exécution.
    Il regarda sans douceur Ulenspiegel sur l’échelle, vêtu pour la
mort, en son linge, les bras liés au corps, les mains jointes, la
corde au cou, et le bourreau prêt à faire son œuvre.
    Très-Long lui disait :
    – Monseigneur, pardonnez-lui, il n’est point traître, et nul ne
vit jamais pendre un homme parce qu’il fut sincère et
pitoyable.
    Et les hommes et femmes du peuple, entendant Très-Long parler,
criaient : « Pitié, monseigneur, grâce et pitié pour
Ulenspiegel. »
    – Cette tête de fer m’a bravé, dit de Lumey : qu’il se
repente et dise que j’ai bien fait.
    – Parole de soldat n’est plus parole d’or, répondit
Ulenspiegel.
    – Passez la corde, dit de Lumey.
    Le bourreau allait obéir ; une jeune fille toute de blanc
vêtue et couronnée de fleurs, monta comme folle les marches de
l’échafaud, sauta au cou d’Ulenspiegel et

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