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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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répondit mot, et comme il
se laissait choir à côté d’elle, elle voulut le retenir et l’attira
sur sa gorge nue, où il demeura si volontiers qu’elle eût cru
commettre le péché de cruauté en lui disant de choisir un autre
oreiller.
    Le sommelier revint toutefois et dit qu’il n’avait point trouvé
l’aumônière.
    – Je la retrouvai, moi, répondit la dame, quand je descendis de
cheval, car elle s’était, en se dégrafant, accrochée à l’étrier.
Maintenant, dit-elle à Ulenspiegel, mène-nous droitement à Dudzeele
et dis-moi comment tu te nommes.
    – Mon patron, répondit-il, est monsieur saint Thylbert, nom qui
veut dire leste des pieds pour courir aux bonnes choses ; mon
nom est Claes et mon surnom est Ulenspiegel. Si vous voulez vous
regarder en mon miroir, vous verrez qu’il n’est pas, sur toute
cette terre de Flandre, une fleur de beauté éclatante comme votre
grâce parfumée.
    La dame rougit d’aise et ne se fâcha point contre
Ulenspiegel.
    Et Soetkin et Nele pleuraient pendant cette longue absence.

XXVII
     
    Quand Ulenspiegel revint de Dudzeele, il vit à l’entrée de la
ville Nele adossée à une barrière. Elle égrenait une grappe de
raisin noir. Croquant un à un les grains du fruit, elle en était
sans doute rafraîchie et délectée, mais n’en laissait paraître nul
plaisir. Elle semblait, au contraire, fâchée et arrachait les
grains de la grappe colériquement. Elle était si dolente et avait
un visage si marri, triste et doux, qu’Ulenspiegel fut saisi
d’amoureuse pitié, et, s’avançant derrière elle, lui donna un
baiser sur la nuque.
    Mais elle, en retour, lui bailla un grand soufflet.
    – Je n’y vois pas plus clair, repartit Ulenspiegel.
    Elle pleurait à sanglots.
    – Nele, dit-il, va-t-on maintenant placer les fontaines à
l’entrée des villages ?
    – Va-t’en ! dit-elle.
    – Mais je ne puis m’en aller, si tu pleures comme cela,
mignonne.
    – Je ne suis pas mignonne, dit Nele, et je ne pleure
pas !
    – Non, tu ne pleures pas, mais il sort cependant de l’eau de tes
yeux.
    – Veux-tu t’en aller ? dit-elle.
    – Non, dit-il. Cependant elle tenait son tablier de ses petites
mains tremblantes, et elle en tirait l’étoffe par saccades et des
larmes coulaient dessus, le mouillant.
    – Nele, demanda Ulenspiegel, fera-t-il beau tantôt ?
    Et il la regardait souriant bien amoureusement.
    – Pourquoi me demandes-tu cela ? dit-elle.
    – Parce que, quand il fait beau, il ne pleure pas, répondit
Ulenspiegel.
    – Va-t’en, dit-elle, près de ta belle dame à robe de brocart tu
l’as fait assez rire celle-là.
    Ulenspiegel alors chanta :
    Quand je vois pleurer m’amie,
    Mon cœur est déchiré.
    C’est miel quand elle rit,
    Perle quand elle pleure.
    Moi, je l’aime à toute heure.
    Et je nous paie à boire
    Du bon vin de Louvain.
    Et je nous paie à boire
    Quand Nele sourira.
    – Vilain homme, dit-elle, tu te gausses encore de moi.
    – Nele, dit Ulenspiegel, je suis homme mais point vilain, car
notre noble famille, famille échevinale, porte de trois pintes
d’argent sur fond de
bruinbier
. Nele, est-il vrai qu’au
pays de Flandre quand on sème des baisers, on récolte des
soufflets ?
    – Je ne veux point te parler, dit-elle.
    – Alors pourquoi ouvres-tu la bouche pour me le dire ?
    – Je suis fâchée, dit-elle.
    Ulenspiegel lui bailla bien légèrement un coup de poing dans le
dos et dit :
    – Baisez vilaine, elle vous poindra, poignez vilaine, elle vous
oindra. Oins-moi donc, mignonne, puisque je t’ai poignée.
    Nele se retourna. Il ouvrit les bras, et elle s’y jeta pleurante
encore et dit :
    – Tu n’iras plus là-bas, n’est-ce pas, Thyl ?
    Mais il ne répondit point, empêché qu’il était à serrer ses
pauvres doigts tremblants et à essuyer, de ses lèvres, les larmes
chaudes tombant des yeux de Nele comme les larges gouttes d’une
pluie d’orage.

XXVIII
     
    En ce temps-là, Gand, la noble, refusa de payer sa quote-part de
l’aide que lui demandait son fils Charles, empereur. Elle ne le
pouvait, étant, du fait de Charles, épuisée d’argent. Ce fut un
grand crime, il résolut de l’aller lui-même châtier.
    Car le bâton d’un fils est plus que tout autre douloureux au dos
maternel.
    François au Long-Nez, son ennemi, lui offrit de passer par le
pays de France. Charles le fit, et, au lieu d’y être retenu
prisonnier, il fut fêté et choyé impérialement. C’est un accord
souverain

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