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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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un poteau, et que le bourreau venait
d’allumer en trois endroits au nom de Dieu le Père, de Dieu le Fils
et de Dieu le Saint-Esprit.
    Claes regardait autour de lui, et n’apercevant point dans la
foule Soetkin et Ulenspiegel, il fut aise, en songeant qu’ils ne le
verraient pas souffrir.
    On n’entendait nul autre bruit que la voix de Claes priant, le
bois crépitant, les hommes grondant, les femmes pleurant, Katheline
disant : « Ôtez le feu, faites un trou : l’âme veut
sortir, » et les cloches de Notre-Dame sonnant pour les morts.
    Soudain Soetkin devint blanche comme neige, frissonna de tout
son corps sans pleurer, et montra du doigt le ciel. Une flamme
longue et étroite venait de jaillir du bûcher et s’élevait par
instants au-dessus des toits des basses maisons. Elle fut
cruellement douloureuse à Claes, car, suivant les caprices du vent,
elle rongeait ses jambes, touchait sa barbe et la faisait fumer,
léchait les cheveux et les brûlait.
    Ulenspiegel tenait Soetkin dans ses bras et voulait l’arracher
de la fenêtre. Ils entendirent un cri aigu, c’était celui que
jetait Claes, dont le corps ne brûlait que d’un côté. Mais il se
tut et pleura. Et sa poitrine était toute mouillée de ses
larmes.
    Puis Soetkin et Ulenspiegel entendirent un grand bruit de voix.
C’étaient des bourgeois, des femmes et des enfants
criant :
    – Claes n’a pas été condamné à brûler à petit feu, mais à grande
flamme. Bourreau, attise le bûcher !
    Le bourreau le fit, mais le feu ne s’allumait pas assez
vite.
    – Etrangle-le, crièrent-ils.
    Et ils jetèrent des pierres au prévôt.
    – La flamme ; la grande flamme ; cria Soetkin.
    En effet, une flamme rouge montait dans le ciel au milieu de la
fumée.
    – Il va mourir, dit la veuve. Seigneur Dieu, prenez en pitié
l’âme de l’innocent. Où est le roi, que je lui arrache le cœur avec
mes ongles ?
    Les cloches de Notre-Dame sonnaient pour les morts.
    Soetkin entendit encore Claes jeter un grand cri, mais elle ne
vit point son corps se tordant à cause de la douleur du feu, ni son
visage se contractant, ni sa tête qu’il tournait de tous côtés et
cognait contre le bois de l’estache. Le peuple continuait de crier
et de siffler, les femmes et les garçons jetaient des pierres,
quand soudain le bûcher tout entier s’enflamma, et tous
entendirent, au milieu de la flamme et de la fumée, Claes
disant :
    – Soetkin ! Thyl !
    Et sa tête se pencha sur sa poitrine comme une tête de
plomb.
    Et un cri lamentable et aigu fut entendu sortant de la chaumine
de Katheline. Puis nul n’ouït plus rien, sinon la pauvre affolée
hochant la tête et disant : « L’âme veut
sortir. »
    Claes avait trépassé. Le bûcher ayant brûlé s’affaissa aux pieds
du poteau. Et le pauvre corps tout noir y resta pendu par le
cou.
    Et les cloches de Notre-Dame sonnaient pour les morts.

LXXV
     
    Soetkin était chez Katheline debout contre le mur, la tête basse
et les mains jointes. Elle tenait Ulenspiegel embrassé, sans parler
ni pleurer.
    Ulenspiegel aussi demeurait silencieux, il était effrayé de
sentir de quel feu de fièvre brûlait le corps de sa mère.
    Les voisins, étant revenus du lieu d’exécution, dirent que Claes
avait fini de souffrir.
    – Il est en gloire, dit la veuve.
    – Prie, dit Nele à Ulenspiegel : et elle lui donna son
rosaire ; mais il ne voulut point s’en servir, parce que,
disait-il, les grains en étaient bénis par le Pape.
    La nuit étant tombée, Ulenspiegel dit à la veuve :
    – Mère, il faut te mettre au lit ; je veillerai près de
toi.
    Mais Soetkin :
    – Je n’ai pas besoin, dit-elle, que tu veilles. Le sommeil est
bon aux jeunes hommes.
    Nele leur prépara à chacun un lit dans la cuisine ; et elle
s’en fut.
    Ils restèrent à deux tandis que les restes d’un feu de racines
brûlaient dans la cheminée.
    Soetkin se coucha. Ulenspiegel fit comme elle, et l’entendit
pleurant sous les couvertures.
    Au dehors, dans le silence nocturne, le vent faisait gronder
comme la mer, les arbres du canal et, précurseur d’automne jetait
contre les fenêtres la poussière par tourbillons.
    Ulenspiegel vit comme un homme allant et venant, il entendit
comme un bruit de pas dans la cuisine. Regardant, il ne vit plus
l’homme, écoutant, il n’ouït plus rien que le vent huïant dans la
cheminée et Soetkin pleurant sous ses couvertures.
    Puis il entendit marcher de nouveau, et derrière lui, contre

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