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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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terrestre, reçoivent les plaintes
des pauvres hommes, et les transmettent aux anges qui, après, les
portent au trône.
    – Aide-moi, dit-il, en mon dessein ; je te payerai de sang
s’il le faut.
    Katheline répondit :
    – Je t’aiderai, si une fille qui t’aime veut te prendre avec
elle au sabbat des Esprits du Printemps qui sont les Pâques de la
Sève.
    – Je le prendrai, dit Nele.
    Katheline versa dans un hanap de cristal une grisâtre mixture
dont elle donna à boire à tous les deux ; elle leur frotta de
cette mixture les tempes, narines, paumes des mains et poignets
leur fit manger une pincée de poudre blanche, et leur dit de
s’entre-regarder, afin que leurs âmes n’en fissent qu’une.
    Ulenspiegel regarda Nele, et les doux yeux de la fillette
allumèrent en lui un grand feu ; puis, à cause de la mixture,
il sentit comme un millier de crabes le pincer.
    Alors ils se dévêtirent, et ils étaient beaux ainsi éclairés par
la lampe, lui dans sa force fière, elle dans sa grâce mignonne mais
ils ne pouvaient se voir, car ils étaient déjà comme ensommeillés.
Puis Katheline posa le cou de Nele sur le bras d’Ulenspiegel, et
prenant sa main la mit sur le cœur de la fillette.
    Et ils demeurèrent ainsi nus et couchés l’un près de
l’autre.
    Il semblait a tous deux que leurs corps se touchant fussent de
feu doux comme soleil du mois des roses.
    Ils se levèrent, ainsi qu’ils le dirent plus tard, montèrent sur
l’appui de la fenêtre, de là s’élancèrent dans le vide, et
sentirent l’air les porter, comme l’eau fait aux navires.
    Puis ils n’aperçurent plus rien, ni de la terre où dormaient les
pauvres hommes, ni du ciel où tantôt à leurs pieds roulaient les
nuages. Et ils posèrent le pied sur Sirius, la froide étoile. Puis
de là ils furent jetés sur le pôle.
    Là ils virent, non sans crainte, un géant nu, le géant Hiver au
poil fauve, assis sur des glaçons et contre un mur de glace. Dans
des flaques d’eau, des ours et des phoques se mouvaient, hurlant
troupeau, autour de lui. D’une voix enrouée, il appelait la grêle,
la neige, les froides ondées, les grises nuées, les brouillards
roux et puants, et les vents, parmi lesquels souffle le plus fort
l’âpre septentrion. Et tous sévissaient à la fois en ce lieu
funeste.
    Souriant à ces désastres, le géant se couchait sur des fleurs
par sa main fanées, sur des feuilles à son souffle séchées. Puis se
penchant et grattant le sol de ses ongles, le mordant de ses dents,
il y fouissait un trou pour y chercher le cœur de la terre le
dévorer, et aussi mettre le noir charbon où étaient les forêts
ombreuses, la paille où était le blé, le sable au lieu de la terre
féconde. Mais le cœur de la terre étant de feu, il n’osait le
toucher et se reculait craintif.
    Il trônait en roi, vidant sa coupe d’huile, au milieu de ses
ours et de ses phoques, et des squelettes de tous ceux qu’il tua
sur mer, sur terre et dans les chaumines des pauvres gens. Il
écoutait, joyeux, mugir les ours, braire les phoques, cliqueter les
os des squelettes d’hommes et d’animaux sous les pattes des
vautours et des corbeaux y cherchant un dernier morceau de chair,
et le bruit des glaçons poussés les uns contre les autres par l’eau
morne.
    Et la voix du géant était comme le mugissement des ouragans, le
bruit des tempêtes hivernales et le vent huïant dans les
cheminées.
    – J’ai froid et peur, disait Ulenspiegel.
    – Il ne peut rien contre les esprits, répondait Nele.
    Soudain il se fit un grand mouvement parmi les phoques, qui
rentrèrent en hâte dans l’eau, les ours qui, couchant l’oreille de
peur, mugirent lamentablement, et les corbeaux qui, croassant
d’angoisse, se perdirent dans les nuées.
    Et voici que Nele et Ulenspiegel entendirent les coups sourds
d’un bélier sur le mur de glace servant d’appui au géant Hiver. Et
le mur se fendait et oscillait sur ses fondements.
    Mais le géant Hiver n’entendait rien, et il hurlait et aboyait
joyeusement, remplissait et vidait sa coupe d’huile, et il
cherchait le cœur de la terre pour le glacer et n’osait le
prendre.
    Cependant les coups résonnaient plus fort et le mur se fendait
davantage, et la pluie de glaçons volant en éclats ne cessait de
tomber autour de lui.
    Et les ours mugissaient sans cesse lamentablement, et les
phoques se plaignaient dans les eaux mornes.
    Le mur croula, il fit jour dans le ciel : un homme en
descendit, nu et

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