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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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que le vent souffle comme un diable, les gonds
n’ont point crié.
    – C’est qu’on les aura huilés sans doute, répondit
Ulenspiegel.
    Puis ils s’en furent vers le duché de Brabant.

V
     
    Le roi Philippe, morne, paperassait sans relâche tout le jour,
voire la nuit, et barbouillait papiers et parchemins. À ceux-là il
confiait les pensées de son cœur dur. N’aimant nul homme en cette
vie, sachant que nul ne l’aimait, voulant porter seul son immense
empire, Atlas dolent, il pliait sous le faix. Flegmatique et
mélancolique, ses excès de labeur rongeaient son faible corps.
Désertant toute face joyeuse, il avait pris en haine nos pays pour
leur gaieté ; en haine nos marchands pour leur luxe et leur
richesse ; en haine notre noblesse pour son libre-parler, ses
franches allures, la fougue sanguine de sa brave jovialité. Il
savait, on le lui avait dit, que, longtemps avant que le cardinal
de Cousa eût, vers l’an 1380, signalé les abus de l’Eglise et
prêché la nécessité des réformes, la révolte contre le Pape et
l’Eglise romaine, s’étant manifestée en nos pays sous différentes
formes de secte, était dans toutes les têtes comme l’eau bouillante
dans un chaudron fermé.
    Mulet obstiné, il croyait que sa volonté devait peser comme
celle de Dieu sur l’entier monde ; il voulait que nos pays,
désaccoutumés d’obéissance, se courbassent sous le joug ancien,
sans obtenir nulle réforme. Il voulait Sa Sainte Mère Eglise
catholique, apostolique et romaine, une, entière, universelle, sans
modifications ni changements, sans nulle autre raison de le vouloir
que parce qu’il le voulait, agissant en ceci comme femme
déraisonnable, la nuit se démenant sur son lit comme sur une couche
d’épines, sans cesse tourmentée par ses pensées.
    – Oui, Monsieur Saint Philippe, oui Seigneur Dieu, dussé-je
faire des Pays-Bas une fosse commune et y jeter tous les habitants,
ils reviendront à vous mon benoît patron, à vous aussi Madame
Vierge Marie, et à vous, Messieurs les saints et saintes du
paradis.
    Et il tenta de le faire comme il le disait, et ainsi il fut plus
romain que le Pape et plus catholique que les conciles.
    Et Ulenspiegel et Lamme, et le peuple de Flandre et des
Pays-Bas, angoisseux, croyaient voir de loin, dans la sombre
demeure de l’Escurial, cette araignée couronnée, avec ses longues
pattes, les pinces ouvertes, tendant sa toile pour les envelopper
et sucer le plus pur de leur sang.
    Quoique l’inquisition papale eût sous le règne de Charles tué
par le bûcher, la fosse et la corde, cent mille chrétiens, quoique
les biens des pauvres condamnés fussent entrés dans les coffres de
l’empereur et du roi, ainsi que la pluie en l’égout, Philippe jugea
que ce n’était point assez, il imposa au pays les nouveaux évêques
et prétendit y introduire l’inquisition d’Espagne.
    Et les hérauts des villes lurent partout à son de trompe et de
tambourins des placards décrétant pour tous hérétiques, hommes,
femmes et fillettes, la mort par le feu pour ceux qui
n’abjureraient point leur erreur, par la corde pour ceux qui
l’abjureraient. Les femmes et fillettes seraient enterrées vives,
et le bourreau danserait sur leur corps.
    Et le feu de résistance courut par tout le pays.

VI
     
    Le cinq avril avant Pâques, les seigneurs comte Louis de Nassau,
de Culembourg, de Brederode, l’Hercule buveur entrèrent avec trois
cents autres gentilshommes en la cour de Bruxelles, chez madame la
gouvernante duchesse de Parme. Allant quatre à quatre de rang, ils
montèrent ainsi les grands degrés du palais.
    Etant dans la salle où se trouvait Madame, ils lui présentèrent
une requête par laquelle ils lui demandaient de chercher à obtenir
du roi Philippe l’abolition des placards touchant le fait de la
religion et aussi de l’inquisition d’Espagne, déclarant que dans
nos pays mécontents, il n’en pourrait arriver que troubles, ruines
et misère générale.
    Et cette requête fut nommée LE COMPROMlS.
    Berlaymont, qui fut plus tard si traître et cruel à la terre des
pères, se tenait près de Son Altesse et lui dit, se gaussant de la
pauvreté de quelques-uns des nobles confédérés :
    – Madame, n’ayez crainte de rien, ce ne sont que gueux.
    Signifiant ainsi que ces nobles s’étaient ruinés au service du
roi ou bien en voulant égaler par leur luxe les seigneurs
espagnols.
    Pour faire mépris des paroles du sieur de Berlaymont, les
seigneurs

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