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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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peint toute en or. Ne baisse point
les yeux. Vois dans les miens quel beau feu il y allume. Ecoute,
aimée ; entends, mignonne : c’est l’heure silencieuse de
midi, le laboureur est chez lui vivant de soupe, ne vivrons-nous
d’amour ? Que n’ai-je mille ans à égrener sur tes genoux en
perles des Indes !
    – Langue dorée ! dit-elle.
    Et Monsieur du soleil brillait à travers la toile blanche du
chariot, et une alouette chantait au-dessus des trèfles, et Nele
penchait sa tête sur l’épaule d’Ulenspiegel.

III
     
    Cependant Lamme revint suant à grosses gouttes et soufflant
comme un dauphin.
    – Las ! dit-il, je suis né sous une mauvaise étoile. Après
avoir dû bien courir pour arriver à cette femme qui n’était point
mienne et qui était âgée, je vis à son visage qu’elle avait bien
quarante-cinq ans, et à sa coiffe qu’elle n’avait jamais été
mariée. Elle me demanda aigrement ce que je venais faire avec ma
bedaine dans les trèfles ?
    – Je cherche ma femme, qui m’a laissé, répondis-je avec douceur,
et, vous prenant pour elle, j’ai couru vers vous.
    À ce propos, la fille âgée me dit que je n’avais qu’à m’en
retourner d’où j’étais venu, et, que si ma femme m’avait quitté
elle avait bien fait, attendu que tous les hommes sont larrons,
bélîtres, hérétiques, déloyaux, empoisonneurs, trompant les filles
malgré la maturité de leur âge, et qu’au demeurant elle me ferait
manger par son chien si je ne troussais mon bagage au plus
vite.
    Ce que je fis non sans crainte ; car j’aperçus un gros
mâtin couché et grondant à ses pieds. Quand j’eus franchi la limite
de son champ, je m’assis, et, pour me refaire, je mordis à ton
morceau de jambon. Je me trouvais alors entre deux pièces de
trèfle ; soudain j’entendis du bruit derrière moi, et, me
retournant, je vis le grand mâtin de la fille âgée, non plus
menaçant, mais balançant la queue avec douceur et appétit. Il en
voulait à mon jambon. Je lui en baillai donc quelques menus
morceaux quand survint sa maîtresse, laquelle cria :
    – Happe l’homme ! happe aux crocs, mon fils.
    Et moi de courir, et à mes chausses le gros mâtin, qui m’en
enleva un morceau et de la viande avec le morceau. Mais me fâchant
à cause de la douleur, je lui baillai, en me retournant sur lui, un
si fier coup de bâton sur les pattes de devant, que je lui en
cassai au moins une. Il tomba, criant en son langage de chien
« Miséricorde ! » que je lui octroyai. Dans
l’entretemps, sa maîtresse me jetait de la terre à défaut de
pierres et moi de courir.
    Las ! n’est-il point cruel et injuste que, parce qu’une
fille n’eut point assez de beauté pour trouver un épouseur, elle
s’en venge sur de pauvres innocents comme moi ?
    Je m’en fus toutefois mélancoliant au
kaberdoesje
que
tu m’avais indiqué, espérant y trouver la
bruinbier
de
consolation. Mais je fus trompé, car en y entrant je vis un homme
et une femme qui se battaient. Je demandai qu’ils daignassent
interrompre leur bataille pour me donner un pot de
bruinbier
, ne fût-ce qu’une pinte ou six ; mais la
femme, vraie
stokfisch
, furieuse, me répondit que, si je
ne déguerpissais au plus vite, elle me ferait avaler le sabot avec
lequel elle frappait sur la tête de son homme. Et me voici, mon
ami, bien suant et bien las : n’as-tu rien à manger ?
    – Si, dit Ulenspiegel.
    – Enfin ! dit Lamme.

IV
     
    Ainsi réunis, ils firent route ensemble. Le baudet, couchant les
oreilles, tirait le chariot :
    – Lamme, dit Ulenspiegel, nous voici quatre bons
compagnons : l’âne, bête du bon Dieu, paissant par les prés
les chardons au hasard ; toi, bonne bedaine, cherchant celle
qui t’a fui ; elle, douce aimée au tendre cœur, trouvant qui
n’en est pas digne, je veux dire moi quatrième.
    Or ça, sus, enfants, courage ! les feuilles jaunissent et
les cieux se feront plus éclatants, bientôt dans les brumes
automnales se couchera Monsieur du soleil, l’hiver viendra, image
de mort, couvrant de neigeux linceuls ceux qui dorment sous nos
pieds, et je marcherai pour le bonheur de la terre des pères.
Pauvres morts : Soetkin, qui mourus de douleur ; Claes,
qui mourus dans le feu : chêne de bonté et lierre d’amour,
moi, votre rejeton, j’ai grande souffrance et vous vengerai,
cendres aimées qui battez sur ma poitrine.
    Lamme dit :
    – Il ne faut point pleurer ceux qui meurent pour la justice.
    Mais

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