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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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chantait :
    Vous qui passez avez-vous vu
    Le fol ami que j’ai perdu ?
    Il chemine au hasard, sans règle ;
    L’avez-vous vu ?
    Comme de l’agneau fait un aigle,
    Il prit mon cœur au dépourvu.
    Il est homme, mais point barbu.
    L’avez-vous vu ?
    Si le trouvez, dites que Nele
    Est bien lasse d’avoir couru,
    Mon aimé Thyl, où donc es tu ?
    L’avez-vous vu ?
    Sait-il que languit tourterelle
    Quand elle a son homme perdu ?
    Ainsi de plus d’un cœur fidèle.
    L’avez-vous vu ?
    Ulenspiegel frappa sur le ventre de Lamme et lui dit :
    – Retiens ton souffle, grosse bedaine.
    – Las ! répondit Lamme, c’est bien dur à un homme de ma
corpulence.
    Mais Ulenspiegel, ne l’écoutant point, se cacha derrière la
toile du chariot et imitant la voix d’un tousseux fredonnant après
boire, il chanta :
    Ton fol ami, je l’ai bien vu,
    Dans un chariot vermoulu
    Assis auprès d’un gros goulu,
    Je l’ai bien vu.
    – Thyl, dit Lamme, tu as la langue mauvaise, ce matin.
    Ulenspiegel, sans l’entendre, passait la tête hors du trou de la
toile et disait :
    – Nele, me reconnais-tu ?
    Elle de peur saisie, pleurant et riant en même temps, car elle
avait les joues mouillées, lui dit :
    – Je te vois, traître vilain !
    – Nele, dit Ulenspiegel, si vous me voulez battre, j’ai céans un
bâton. Il est pesant pour faire pénétrer les coups et noueux pour
en laisser la marque.
    – Thyl, dit Nele, t’en vas-tu vers les Sept ?
    – Oui, répondit Ulenspiegel.
    Nele portait une gibecière qui semblait prête à crever, tant
elle était remplie.
    – Thyl, dit-elle en la lui tendant, j’ai pensé qu’il était
malsain à un homme de voyager sans prendre avec lui une bonne oie
grasse, un jambon et des saucissons de Gand. Il faut manger ceci en
mémoire de moi.
    Comme Ulenspiegel regardait Nele et ne songeait du tout à
prendre la gibecière, Lamme, poussant la tête à un autre trou de la
toile, dit :
    – Fillette prévoyante, s’il n’accepte point, c’est par
oubli ; mais baille-moi ce jambon, donne-moi cette oie,
octroie-moi ces saucissons : je les lui garderai.
    – Quelle est, dit Nele, cette bonne trogne ?
    – C’est, répondit Ulenspiegel, une victime de mariage qui,
rongée de douleur, sécherait comme pomme au four, s’il ne réparait
ses forces par une incessante nourriture.
    – Tu l’as dit, mon fils, soupira Lamme.
    Le soleil, qui brillait, chauffait bien ardemment la tête de
Nele. Elle se couvrit de son tablier. Voulant être seul avec elle,
il dit à Lamme :
    – Vois-tu cette femme vaquer là par la prairie ?
    – Je la vois, dit Lamme.
    – La reconnais-tu ?
    – Las ! dit Lamme, serait-ce la mienne ? Elle n’est
point vêtue comme bourgeoise.
    – Tu doutes encore, aveugle taupe, dit Ulenspiegel.
    – Si ce n’était point elle ? dit Lamme.
    – Tu n’y perdras rien, il y a là à gauche, vers le septentrion,
un
kaberdoesje
où tu trouveras bonne
bruinbier
.
Nous irons t’y rejoindre. Et voici du jambon pour saler ta soif de
nature.
    Lamme, sortant du chariot, courut le grand pas vers la femme qui
se trouvait dans la prairie.
    Ulenspiegel dit à Nele :
    – Que ne viens-tu près de moi ?
    Puis, l’aidant à monter dans le chariot, il l’assit près de lui,
lui ôta le tablier de la tête et le manteau des épaules : puis
lui donnant cent baisers, il dit :
    – Où t’en allais-tu, aimée ?
    Elle ne répondit rien, mais elle semblait toute ravie en extase.
Et Ulenspiegel, ravi comme elle, lui dit :
    – Te voici donc ! Les roses églantiers dans les haies n’ont
pas le doux incarnat de ta peau fraîche. Tu n’es point reine, mais
laisse-moi te faire une couronne de baisers. Bras mignons tout
doux, tout rosés, qu’Amour fit tout exprès pour l’embrassement,
Ah ! fillette aimée, mes rugueuses mains de mâle ne
faneront-elles point cette épaule ? Le papillon léger se pose
sur l’œillet pourpre, mais puis-je me reposer sur ta vive blancheur
sans la faner, moi lourdaud ? Dieu est au ciel, le roi sur son
trône et le soleil en haut triomphant ; mais suis-je Dieu, roi
ou lumière, que je suis si près de toi ; Ô cheveux plus doux
que soie en flocons ! Nele, je frappe, je déchire, je mets en
morceaux ! Mais n’aie pas peur, m’amie. Ton pied mignon !
D’où vient qu’il est si blanc ? L’a-t-on baigné de
lait ?
    Elle voulut se lever.
    – Que crains-tu ? lui dit Ulenspiegel, ce n’est point le
soleil qui luit sur nous et te

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