Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Légion Des Damnés

La Légion Des Damnés

Titel: La Légion Des Damnés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sven Hassel
Vom Netzwerk:
rendu son aspect réglementaire. Notre équipement de cuir devait avoir l'éclat du vernis. A l'envers comme à l'endroit, nos diverses tenues ne devaient point receler la moindre souillure. Je puis affirmer en toute connaissance de cause que lorsque les hommes d'un bataillon disciplinaire allemand se présentent à l'appel du lundi matin, ils sont rigoureusement immaculés des pieds à la tête.
    Mais je pense aussi que l'ordre et la propreté militaires doivent pécher par quelque côté si, ayant besogné tout un dimanche pour les réaliser, on ne ressent aucune parcelle de la satisfaction, de la paix d'esprit auxquelles on serait en droit de s'attendre, après un tel « grand nettoyage ».
    Cette revue du lundi n'était pas un festival de purification. C'était un cauchemar éveillé, un concentré d'épouvante. Le soldat propre et net des pieds à la tête ne se sentait pas immaculé. Il se sentait, plus que jamais dans la peau d'une bête traquée.
    Je crois que j'utilise un peu trop ces mots de « bête traquée », « terreur panique », « épouvante ». Je sais que de telles répétitions sont mauvaises et qu'un bon style littéraire réclame avant tout une grande variété d'expressions, mais comment varier à l'infini la description de ce qui, précisément, est uniforme ? D'autres y parviendraient peut-être ? Moi, je ne suis pas sûr d'en être capable. 
    Je suis trop fatigué, trop abasourdi, trop désespéré, parfois aussi trop en colère pour dépenser une partie de mon temps et de mes forces en vaines recherches de nuances et de subtiles distinctions. Ce que j'ai à dire est si peu littéraire ! Même maintenant, après tant d'années, ces souvenirs m'oppressent, parfois, à un tel point que je me sens le droit de vous demander de combler la carence de mon vocabulaire. Si vous comprenez, simplement, ce que j'ai voulu dire, peu m'importe que ma pauvreté verbale vous fasse, de temps à autre, secouer la tête en grommelant : « Il aurait pu expliquer ça d'une bien meilleure manière... »
    Donc, nous autres les soldats impeccables, immaculés, nous nous sentions en permanence des âmes de bêtes traquées. Quoi qu'il pût arriver, nous étions sûrs que ça nous retomberait sur les doigts. Le plus paradoxal était peut-être de savoir que si le sergent-chef ne trouvait absolument rien à reprendre, il se flanquerait dans un pétard monstre et ferait payer sa frustration, sa rage — avec usure ! — à l'un ou l'autre d'entre nous. Dieu vienne en aide à qui se fait ramasser pour rien ! Il paiera dix fois plus cher que s'il était réellement en faute. Et ce n'est pas facile de trouver l'attitude adéquate, dans une telle situation.
    — Premier rang, un pas en avant... MARCHE! Deuxième rang, un pas en arrière... M ARCHE !
    Une... DEUX.
    Pendant quelques éternelles minutes, le sergent-chef observe les deux rangs qui viennent de s'écarter. Quiconque bronche d'un poil est aussitôt marron pour refus d'obéissance. Mais nous avons appris à nous transformer en morceaux de bois et à conserver cet état des demi-heures d'affilée. C'est une sorte de transe ou de catalepsie qui pour le soldat capable d'y accéder vaut plusieurs fois son pesant d'or. Au garde-à-vous, raide comme un bout de bois parce que littéralement transformée en bout de bois !
    Le sergent-chef rugit :
    — Prêts pour l'inspection ?
    Toute la compagnie répond en chœur :
    — Oui, Herr Hauptfeldwebel.
    Il recommence :
    — Personne n'a oublié de nettoyer quelque chose ?
    Chœur de la compagnie :
    — Non, Herr Hauptfeldwebel.
    Il nous fusille tous d'un regard féroce. Maintenant, il nous tient. C'est le moment qu'il préfère...
    — Sans blague ? Si c'est vrai, ce sera la première fois dans l'histoire de ce bataillon ! Mais c'est ce que nous allons voir...
    Lentement, il s'approche du premier morceau de bois, le contourne une fois, deux fois... Tourner autour d'un adversaire sans prononcer une syllabe est une forme très efficace de la « guerre des nerfs ». La nuque flambe et les paumes se font moites et les pensées tourbillonnent et le souffle manque et l'on pue à son propre nez !
    — Oui, oui, c'est ce que nous allons voir ! répète le sergent-chef derrière le dos du troisième homme de la première rangée.
    Le silence règne, tandis qu'il inspecte le quatrième et le cinquième. Puis, vient le hurlement :
    — Compagnie 3... Gaaarde-à-VOUS !
    Suivi du flot habituel d'ordure verbale... De notre

Weitere Kostenlose Bücher