La Loi des mâles
même sens au
roi Edouard II d’Angleterre qui, malgré les efforts de sa femme Isabelle,
s’empressa d’envenimer la querelle en prenant le parti des Bourguignons. Dans
toute division qui surgissait au royaume de France, le roi anglais voyait la
perspective d’émanciper la Guyenne.
« Est-ce donc à cela que je
suis parvenue en dénonçant l’adultère de mes belles-sœurs ! » pensait
la reine Isabelle.
À se voir ainsi menacé au nord, à
l’est, au sud-ouest, un autre que Philippe le Long eût peut-être lâché prise.
Mais le nouveau roi savait qu’il disposait de plusieurs mois ; l’hiver
n’était pas temps de guerre ; ses ennemis devaient attendre le printemps
pour pouvoir mettre des armées sur pied. Le plus urgent, pour Philippe, était
d’aller se faire couronner et d’être revêtu de l’indélébile dignité du sacre.
Il voulut d’abord fixer la cérémonie
à l’Epiphanie ; la fête des Rois lui semblait de bon augure. On lui
représenta que les bourgeois de Reims n’auraient pas le temps de tout
préparer ; il accorda un délai de trois jours. La cour partirait de Paris
le 1 er janvier, et le sacre se ferait le dimanche 9.
Depuis Louis VIII, premier roi
non élu du vivant de son prédécesseur, on n’avait jamais vu l’héritier du trône
se précipiter aussi vite à Reims.
Mais la consécration religieuse
semblait encore insuffisante à Philippe ; il voulait y ajouter quelque
chose qui frappât d’une manière nouvelle la conscience populaire.
Il avait souvent médité les
enseignements d’Egidio Colonna, le précepteur de Philippe le Bel, l’homme qui
avait véritablement formé la pensée du Roi de fer et dont le traité sur les
principes de la royauté contenait de telles remarques que celle-ci :
« À parler dans l’absolu, il
serait préférable que le roi fût élu ; seuls les appétits corrompus des
hommes et leur manière d’agir doivent faire préférer l’hérédité à
l’élection. »
— Je veux être roi du
consentement de mes sujets, déclara Philippe le Long, et je ne me sentirai
vraiment digne de les gouverner qu’à ce prix. Et puisque certains grands me
font défaut, je donnerai la parole aux petits.
Son père lui avait montré la voie en
convoquant, dans les heures difficiles de son règne, des assemblées où toutes
les classes, tous les « états » du royaume se trouvaient représentés.
Il décida que deux assemblées de cette sorte, mais plus larges encore que les
précédentes, seraient tenues l’une à Paris pour la langue d’oïl, l’autre à
Bourges pour la langue d’oc, dans les semaines qui suivraient son sacre. Et il
prononça le mot d’« États généraux ».
Les légistes furent mis à fourbir
les textes qui seraient présentés à l’approbation des États, de telle sorte que
Philippe apparût comme choisi et désigné par le peuple entier. On reprit tout
naturellement les arguments du connétable, à savoir que les lis ne pouvaient
filer la laine et que le royaume était trop noble pour tomber entre mains de
femme. On s’appuya, plus étrangement, sur le fait qu’entre le vénéré Saint
Louis et Madame Jeanne de Navarre on comptait trois intermédiaires successoraux,
alors qu’entre Saint Louis et Philippe il n’en existait que deux. Ce qui fit, à
bon droit, le comte de Valois s’écrier :
— Pourquoi pas moi, dans ce
cas, qui ne suis séparé de Saint Louis que par mon père !
Et puis, enfin, des conseillers du
Parlement, pressés au zèle par Miles de Noyers, exhumèrent sans trop de foi le
vieux code de coutumes des Francs Saliens, antérieur à la conversion de Clovis
au christianisme. Ce code ne contenait rien quant à la transmission des
pouvoirs royaux. Il se présentait comme un recueil de jurisprudence civile et
criminelle assez grossier, et de surcroît mal compréhensible puisqu’il avait
plus de huit siècles. Une indication brève stipulait que l’héritage d’une
propriété foncière devait échoir, par division égale, aux enfants mâles du
possesseur défunt. C’était tout.
Il n’en fallut pas plus à quelques
docteurs en droit séculier pour bâtir là-dessus leur démonstration. La couronne
de France ne pouvait aller qu’aux mâles, puisque couronne impliquait possession
des terres. Et la meilleure preuve que le code salien avait été appliqué dès
l’origine, ne la trouvait-on pas dans le fait que seuls des hommes se fussent
succédé ? Ainsi Jeanne de Navarre
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