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La Loi des mâles

La Loi des mâles

Titel: La Loi des mâles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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pouvait être éliminée sans que
l’accusation de bâtardise, improuvable, eût seulement à être avancée.
    Les docteurs étaient maîtres de
leurs grimoires. On ne s’avisa pas de leur objecter que la dynastie
mérovingienne n’était pas issue des Saliens, mais des Sicambres et des
Bructères ; et nul n’alla, dans l’instant, regarder sur pièce cette
fameuse loi salique, qu’on inventa en prétendant s’y référer, et qui ferait
fortune dans l’Histoire après qu’elle aurait ruiné le royaume en causant une
guerre de cent ans.
    L’adultère de Marguerite de
Bourgogne, en vérité, coûterait cher à la France.
    Mais, pour le présent, le pouvoir
central ne chômait pas. Déjà Philippe réorganisait l’administration, appelait
de grands bourgeois à son Conseil, et créait des « chevaliers
poursuivants », remerciant ainsi ceux qui depuis Lyon l’avaient servi sans
trêve [21] .
    À Charles de Valois, il rachetait
l’atelier de monnaie du Mans, avant de reprendre dix autres ateliers épars en
France. Désormais toute la monnaie circulant au royaume ne serait plus battue
que par le roi.
    Se souvenant des idées de
Jean XXII lorsque celui-ci n’était encore que le cardinal Duèze, Philippe
prépara une réforme du système des amendes pénales et des droits de
chancellerie. Les notaires verseraient chaque samedi au Trésor les sommes
encaissées, et l’enregistrement des actes serait soumis à des tarifs décrétés
par la Chambre des comptes.
    Comme il en allait des
chancelleries, il en alla des douanes, des prévôtés, capitaineries de villes et
recettes de finances. Les abus et malversations, qui avaient eu libre cours
depuis la mort du Roi de fer, furent durement réprimés. À toutes les hauteurs
de la société, dans toute l’activité nationale, dans les cours de justice, sur
les ports, sur les places de marché et de foire, on sentit, on comprit que la
France était reprise en mains fermes… des mains de vingt-cinq ans !
    Les fidélités ne s’obtiennent pas
sans bienfaits. Philippe paya son avènement de larges libéralités.
    Le vieux sénéchal de Joinville
s’était fait reconduire à son château de Wassy où il avait déclaré vouloir
mourir. Il se savait sur l’extrême fin. Son fils Anseau, qui depuis Lyon
n’avait pas quitté Philippe, dit un jour à ce dernier :
    — Mon père m’a assuré que
d’étranges choses s’étaient passées à Vincennes, lors de la mort du petit roi,
et il lui est venu aux oreilles de troublantes rumeurs.
    — Je sais, je sais, répondit
Philippe. À moi aussi, certains faits, en ces journées, ont paru surprenants.
Voulez-vous mon sentiment, Anseau ? Je ne veux pas médire de Bouville, car
je n’ai point de preuves. Mais je me demande s’il n’a pas été inférieur à la
tâche confiée. Il montrait tant d’agitation, écoutait tant de vains
propos ! Ses prudences désordonnées ont donné du fil aux imaginations… De
toute manière il est trop tard.
    Il prit un temps et ajouta :
    — Anseau, je vous ai fait
marquer au Trésor pour une donation de quatre mille livres, et ceci vous dira
assez ma gratitude pour l’aide que vous m’avez toujours apportée. Et si le jour
du sacre, mon cousin le duc de Bourgogne, comme je le pense, ne se trouve point
là pour me nouer les éperons, c’est vous qui tiendrez cet office. Vous êtes
assez haut chevalier pour cela.
    L’or toujours pour river les bouches
fut le meilleur métal : mais Philippe savait qu’avec certains hommes il
faut en plus orfévrer un peu la soudure.
    Restait à régler le cas de Robert
d’Artois. Philippe se félicitait d’avoir tenu en prison son dangereux cousin
pendant les derniers événements. Mais il ne pouvait pas le garder indéfiniment
au Châtelet. Un couronnement s’accompagne généralement d’actes de clémence et
d’octrois de grâces. Sur une pressante intervention de Charles de Valois,
Philippe feignit de se montrer bon prince.
    — C’est bien pour vous
complaire, mon oncle, dit-il. Robert sera donc remis en liberté…
    Il laissa sa phrase en suspens, et
sembla calculer.
    — … mais trois jours
seulement après mon départ pour Reims, ajouta-t-il, et il n’aura pas droit de
s’écarter de Paris de plus de vingt lieues.
     

VII

TANT DE RÊVES ÉCROULÉS !
    Dans sa royale ascension, Philippe le
Long n’avait pas seulement enjambé deux cadavres ; il laissait encore sous
ses pas deux autres destins brisés, deux femmes

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