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La Louve de France

La Louve de France

Titel: La Louve de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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busines, annonça qu’il en était procédé
de la sorte « parce que le Despenser avait été sodomite, et qu’il avait
favorisé le roi en sodomie, et pour ce déchassé la reine desa couche  ».
    Puis le bourreau, choisissant une
lame plus épaisse et plus large, fendit la poitrine par le travers, et le
ventre dans la longueur, comme on aurait ouvert un porc ; les tenailles
allèrent chercher le cœur presque encore battant et l’arrachèrent de sa cage
pour le jeter également au brasier. Les busines retentirent pour donner la
parole au héraut, lequel déclara que « le Despenser avait été faux de cœur
et traître, et par ses traîtresconseils avait honni le royaume  ».
    Les entrailles furent ensuite
sorties du ventre, déroulées et secouées, toutes miroitantes, nacrées, et
présentées au public, parce que « le Despenser s’était nourri du bien des
grands comme du bien du pauvre peuple ». Et les entrailles à leur tour se
transformèrent en cette âcre fumée épaisse qui se mêlait à la bruine de
novembre.
    Après quoi la tête fut tranchée, non
pas d’un coup d’épée, puisqu’elle pendait à la renverse entre les branches de
la croix, mais détachée au couteau, parce que « le Despenser avait fait
décoller les plus grands barons d’Angleterre et que de son chef étaient sortis
tous les mauvais conseils ». La tête de Hugh Le Despenser le Jeune ne fut
pas brûlée ; les bourreaux la rangèrent à part pour l’envoyer à Londres,
où elle serait plantée à l’entrée du pont.
    Enfin ce qui restait du corps fut
débité en quatre morceaux, un bras avec l’épaule, l’autre bras avec son épaule
et le cou, les deux jambes avec chacune la moitié du ventre, pour qu’ils soient
expédiés aux quatre meilleures cités du royaume, après Londres.
    La foule descendit des tribunes,
lasse, épuisée, libérée. On pensait avoir atteint les sommets de la cruauté.
    Après chaque exécution sur cette
route sanglante, Mortimer avait trouvé la reine Isabelle plus ardente au
plaisir. Mais cette nuit qui suivit la mort de Hugh le Jeune, les exigences
qu’elle eut, la gratitude affolée qu’elle exprima, ne laissèrent pas
d’inquiéter son amant. Pour avoir haï si fort l’homme qui lui avait pris
Édouard, il fallait qu’elle eût jadis aimé celui-ci. Et dans l’âme ombrageuse
de Mortimer se forma un projet qu’il mènerait à son terme, quelque temps que
cela prît.
    Le lendemain, Henry Tors-Col,
désigné comme gardien du roi, fut chargé de conduire celui-ci au château de
Kenilworth et de l’y tenir enfermé, sans que la reine l’eût revu.
     

IV

« VOXPOPULI »
    — Qui voulez-vous pour
roi ?
    Cette terrible apostrophe, dont va
dépendre l’avenir d’une nation, Monseigneur Adam Orleton la lance, le 12
janvier 1327, à travers le grand hall de Westminster, et les mots s’en
répercutent là-haut, contre les nervures des voûtes.
    — Qui voulez-vous pour
roi ?
    Le Parlement d’Angleterre, depuis
six jours, siège, s’ajourne, siège à nouveau, et Adam Orleton, faisant office
de chancelier, dirige les débats.
    Dans sa première séance, l’autre
semaine, le Parlement a assigné le roi à comparaître devant lui. Adam Orleton
et John de Stratford, évêque de Winchester, sont allés à Kenilworth présenter à
Édouard II cette assignation. Et le roi Édouard a refusé.
    Il a refusé de venir rendre compte
de ses actes aux Lords, aux évêques, aux députés des villes et des comtés.
Orleton a fait connaître à l’assemblée cette réponse inspirée, on ne sait, par la
peur ou bien le mépris. Mais Orleton a la conviction profonde, et qu’il vient
d’exprimer au Parlement, que si l’on obligeait la reine à se réconcilier avec
son époux, on la vouerait à une mort certaine.
    À présent donc, la grande question
est posée ; Monseigneur Orleton conclut son discours en conseillant au
Parlement de se séparer jusqu’au lendemain afin que chacun pèse son choix en
conscience et dans le silence de la nuit. Demain l’assemblée dira si elle
souhaite qu’Édouard II Plantagenet conserve la couronne, ou bien que
celle-ci soit remise à l’héritier, Édouard, duc d’Aquitaine.
    Beau silence pour les consciences
que le vacarme qui se fait dans Londres cette nuit-là ! Les hôtels des
seigneurs, les abbayes, les demeures des grands marchands, les auberges vont
retentir jusqu’au petit jour du bruit de discussions passionnées. Tous ces
barons,

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